Dénoncer le sexisme des médias sportifs dans les médias qui pratiquent ce sexisme est acrobatique. Un documentaire aurait été partiellement censuré et une pétition appelle à la parité dans le traitement journalistique du sport.
« Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste », le titre du documentaire de Marie Portolano diffusé sur Canal+ en dit long sur le sort réservé aux femmes qui se hasardent dans le journalisme sportif.
Toutes les études sur la place des femmes dans les médias montrent que ce sont les rubriques sport qui leur font le moins de place. Et les rares récits de compétition sportives féminines sont pétris de commentaires sur le sexappeal des sportives plus que sur leurs performances. Les journalistes hommes imposent une vision du sport qui serait réservé aux hommes présentés comme de valeureux compétiteurs tandis que les femmes n’y seraient admises qu’en tant qu’objet sexuel.
Dans cette ambiance de (mal)traitement journalistique misogyne, les femmes journalistes sont maltraitées elles aussi. Les vingt femmes qui témoignent dans le documentaire racontent comment les « blagues dégueus » permanentes, les pratiques vexatoires au sein des rédactions ou les commentaires et insultes sexistes sur les réseaux sociaux, isolent ces femmes journalistes, ruinent leur moral et leur envie de continuer. Et même si les femmes journalistes de sport apparaissent plus souvent à la télévision depuis quelques années, elles sont toujours considérées « à part » comme «atout charme » des émissions.
La route sera encore très longue pour en finir avec cette vision misogyne du sport. Car il faut d’abord pouvoir la dénoncer… dans des médias dirigés par ceux qui propagent ce sexisme. Selon LesJours.fr, « les passages qui mettaient en cause Pierre Ménès ont été coupés. » dans le documentaire de Marie Portolano. Pierre Menes est un commentateur de foot de Canal+ connu pour son sexisme de haut vol (lire Le foot féminin, « ça vaut que dalle ! »)
En 2016, racontent LesJours.fr, sur le plateau de Canal football club, Pierre Ménès avait, hors antenne, soulevé la jupe de la seule femme journaliste du plateau pour saisir ses fesses. La journaliste lui avait retourné « un pain », avait voulu porter plainte pour agression sexuelle mais l’affaire avait été promptement étouffée en interne. Et n’est pas racontée dans le documentaire diffusé par Canal+. Pas plus que d’autres agressions du commentateur sportif.
Aux premières loges
Dimanche 21 mars, plus de 150 journalistes et étudiantes en journalisme ont signé une tribune publiée dans Le Monde pour davantage de parité dans les rédactions sportives et pour que les femmes soient mieux représentées dans les médias sportifs . « Pas plus qu’un autre domaine, le sport n’appartient qu’aux hommes. Nous voulons être aux premières loges pour raconter, pour commenter, pour analyser, pour diriger », écrivent les signataires de cette tribune qui rappellent une récente étude du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) montrant que, à la télévision et à la radio, « le temps de parole des femmes, dans le domaine du sport, représente 13% : sur une journée consacrée au sport, on écoute donc des hommes en parler pendant vingt et une heures », argumentent-elles.
Et le journalisme sportif est hostile aux femmes. « Si la profession [de journaliste] est à quasi-parité, dans le sport, nous sommes autour de 10% des 3 000 journalistes. Et plus on monte dans la hiérarchie, plus on a de chances de trouver le dahu plutôt qu’une femme », écrivent les signataires. « En 2021, le traitement du sport par les hommes pour des hommes au sujet d’hommes n’est plus supportable. »