Un Observatoire national du suicide vient de voir le jour. Son objectif : mieux cerner les raisons du passage à l’acte, pour mieux prévenir le suicide. Parmi les questions, celle des comportements radicalement différents entre hommes et femmes.
La ministre de la Santé, Marisol Touraine a mis en place, mardi 10 septembre, l’Observatoire national du suicide. La mission de cette nouvelle instance : « améliorer la connaissance des mécanismes conduisant aux suicides et de mieux coordonner et exploiter les différentes données existantes. Il devra également évaluer les politiques publiques de lutte contre le suicide, et produire des recommandations, particulièrement dans le champ de la prévention ».
En Europe, la France est l’un des pays où on se suicide le plus. Chaque année, plus de 10 000 personnes se donnent la mort ; plus d’une par heure. C’est trois fois plus que le nombre de décès causés par les accidents de la route, et la première cause de décès chez les 25-34 ans, la 2ème chez les jeunes de 15-24 ans.
« Nous disposons d’innombrables informations sur le suicide. Mais toutes ces données sont mal coordonnées. Nos connaissances sur les tentatives de suicide restent trop faibles et mal documentées », souligne la ministre de la Santé.
Les femmes se suicident quatre fois moins que les hommes
Parmi les données certaines, mais encore largement inexplorées, l’écart de genre face au suicide. Les comportements entre les hommes et les femmes sont radicalement différents : ils sont trois fois plus nombreux à se donner la mort, mais elles effectuent deux fois plus de tentatives.
A l’échelle européenne, l’écart de genre est encore plus prononcé : les femmes se suicident quatre fois moins que les hommes. En 2010, selon Eurostat, le taux de décès des hommes par suicide était de 16,6 pour 100 000 habitants dans l’UE 27, et de 22,8 en France métropolitaine. Pour les femmes, respectivement de 4,3 et 7,4 .
Interrogé par MyEurop.info, le médecin Michel Debout avance cette explication : « Les femmes utilisent en général un mode suicidaire par médicaments, qui est moins mortel. D’autre part, lorsque les femmes sont déprimées, elles ont plus facilement recours à des soins que les hommes ».
Cette dernière remarque rejoint les conclusions d’une étude toute récente : les femmes ne seraient pas plus dépressives que les hommes ; les symptômes « alternatifs » de la dépression, chez ces derniers, sont moins pris en compte, et conduisent à une moindre prise en charge (Voir : Et si les femmes n’étaient pas plus déprimées que les hommes ?).
Le sociologue Christian Baudelot met aussi en avant la pression sociale, moins forte chez les femmes, mieux intégrées socialement, et plus forte chez les hommes, notamment « au niveau professionnel ».
Le suicide est « d’abord un fait social », souligne d’ailleurs la ministre. Et plus encore qu’entre hommes et femmes, les disparités sociales face au suicide sont « choquantes », note Marisol Touraine. « Les ouvriers sont trois fois plus touchés que les cadres. Celles et ceux qui sont frappés par l’isolement, par la précarité, par le chômage, par le mal-être au travail ou par des ruptures de vie en sont les premières victimes. »