Une fois de plus, le gouvernement espagnol est pionnier dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Cette fois, il s’attaque aux violences “vicariantes” en approuvant un avant-projet de loi sur cette violence exercée majoritairement sur les enfants afin d’atteindre de manière indirecte leur mère.
Difficile de trouver un équivalent français et pourtant la violence vicariante existe. C’est la violence exercé par un conjoint ou ex-conjoint sur les enfants de sa partenaire (ou ex) afin de lui faire du mal. En 2021, une terrible affaire avait notamment ébranlé l’Espagne et bien au-delà des frontières : la disparition des petites Olivia (6 ans) et Anna (1 an) enlevées par leur père suite à sa séparation avec leur mère. Un peu plus d’un mois après leur disparition, le corps d’Olivia avait été repêché dans un sac lesté par l’ancre du bateau du père au large de l’île de Tenerife. Aucune trace de la plus jeune ni du père n’avaient été retrouvées sur le bateau mais l’enquête avait révélé par la suite que le père se serait suicidé. Le corps de la petite Anna n’a pas été retrouvé mais un deuxième sac vide et déchiré retrouvé près du sac contenant le corps de l’aînée ne laissait aucun doute sur la terrible issue de ces crimes.
Un avant-projet de loi
Lors du Conseil des Ministres du mardi 30 septembre 2025, l’Espagne a ainsi approuvé un avant-projet de loi en matière de violences vicariantes. A cette occasion, la ministre de l’égalité, Ana Redondo, a rappelé qu’en Espagne, ce sont 65 enfants qui ont été assassinés dans ce cadre depuis 2013.
Par le biais de cette loi, l’Espagne souhaite faire de ces violences un délit à part entière et affirme, une fois de plus, son avance dans la lutte contre les violences faites aux femmes en comblant un vide juridique. Si cette loi venait à être définitivement adoptée par le Parlement, il s’agirait d’une première en Europe et d’un tournant important dans la lutte contre les violences faites aux femmes.
Et c’est tout d’abord une définition juridique qui est nécessaire afin de pouvoir qualifier cette violence de délit, la prévenir, la sanctionner et l’éradiquer. En ce sens, le projet de loi répond à cette nécessité et aurait pour effet de modifier plusieurs autres lois, à commencer par la loi de protection intégrale contre les violences de genre. Dans son communiqué officiel, le gouvernement précise que l’article 1.4 serait modifié, élargissant ainsi le spectre de victimes actuellement reconnues par cette loi. Ainsi, la loi définirait la violence vicariante comme une “violence ayant pour but de causer de la souffrance aux femmes, elle peut s’exercer sur leurs enfants ou descendant·es, mineur·es sous tutelle ou sous leur garde, leurs ascendants ou frères et soeurs, ainsi que sur leur compagnon ou compagne, même s’ils n’habitent pas ensemble”.
Prévention
Le Code Pénal serait également modifié avec, entre autres, un nouvel article 173 bis qui reconnaîtra la violence vicariante “comme un délit contre l’intégrité morale et entraînera une peine de prison de six mois à trois ans”. Car si les chiffres précédemment évoqués sont ceux des infanticides commis dans le but d’atteindre la mère, la violence vicariante peut s’exercer au quotidien de bien d’autres manières : négligence des enfants, privation… Le Code Pénal prévoirait aussi une nouvelle peine pour interdire à l’agresseur de publier des informations susceptibles de causer davantage de douleur à la victime. Cette mesure fait écho au livre El odio (La haine) de Luisgé Martín, qui analysait le double infanticide commis en 2011 par José Bretón sur ses deux enfants de 6 et 2 ans et qui incluait son témoignage. La mère des enfants avait alors réclamé l’interdiction de ce livre.
Un autre point important serait quant à lui ajouté au Code Civil par le biais de l’article 92.6 sur le régime de garde. Désormais, avant d’attribuer la garde à l’un des parents, tous les enfants mineur·es ou personnes majeures en situation de handicap devront être entendues. Toujours au sein du Code Civil, l’article 94 serait modifié dans le but de renforcer les protocoles de visites, communication ou gardes lorsque le géniteur est impliqué dans une affaire pénale de violence intraconjugale.
La loi prévoirait aussi toute une série de mesures en matière de sensibilisation ainsi que des formations pour le personnel judiciaire et une intégration de cette violence spécifique dans le programme des épreuves aux concours.
En France, ces violences sont qualifiées d’ « infanticides commis séparément mais sur fond de conflit conjugal » et on peut retrouver les chiffres chaque année dans l’étude nationale relative aux morts violentes au sein du couple (dernière étude en date du 25/11/2024) sur le site du Ministère de l’Intérieur.
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