La jeune Pakistanaise et le militant indien de longue date sont récompensés « pour leur lutte contre l’exploitation des enfants et des jeunes et pour le droit des enfants à l’éducation ». C’est aussi un message de paix à l’adresse de l’Inde et du Pakistan.
Elle était l’une des favorites l’an dernier. Elle est la lauréate cette année. Malala Yousafzai s’est vue décerner vendredi 10 octobre le Prix Nobel de la Paix 2014. Une distinction qu’elle partage avec Kailash Satyarthi, « pour leur lutte contre l’exploitation des enfants et des jeunes et pour le droit des enfants à l’éducation », explique le comité norvégien du prix.
A 17 ans, la Pakistanaise Malala Yousafzai devient la plus jeune récipiendaire d’un Nobel de la Paix. Et la 16ème femme lauréate (après le trio Ellen Johnson-Sirleaf, Leymah Gbowee et Tawakel Karman en 2011). Moins connu internationalement, l’Indien Kailash Satyarthi, 60 ans, est récompensé pour ses actions, « dans la tradition de Gandhi (…), contre la terrible exploitation des enfants à des fins de profit financier. Il a également contribué au développement d’importantes conventions internationales sur les droits des enfants ». Il a notamment fondé en 1980 l’ONG Bachpan Bachao Andolan.
Le comité Nobel rappelle que le nombre d’enfants qui travaillent dans le monde est estimé à 168 millions (dont plus de 100 millions « travaillent dangereusement »).
Par ailleurs, 58 millions d’enfants entre 6 et 11 ans ne vont pas à l’école. Après des années de baisse régulière, ce nombre s’est stabilisé depuis 2007.
Malala Yousafzai, « malgré son jeune âge, combat déjà depuis plusieurs années pour le droit des filles à l’éducation, et montre par son exemple que les enfants et les jeunes peuvent eux-même contribuer à améliorer leur propre situation », souligne le comité Nobel.
Lors d’une conférence de presse quelques heures après l’annonce de son Prix Nobel – et après avoir suivi sa journée de cours normalement – Malala Yousafzai s’est déclarée « honorée » de recevoir cette reconnaissance, et de la partager avec Kailash Satyarthi. « A travers mon histoire, je veux dire aux autres enfants dans le monde qu’ils doivent se lever pour leurs droits, qu’ils ne doivent pas attendre que d’autres le fassent. Et que leurs voix sont les plus puissantes », a-t-elle souligné.
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« Je n’ai pas accompli tant de choses que ça »
C’est l’attentat dont elle a réchappé miraculeusement, en octobre 2012 au Pakistan, qui a fait connaître Malala sur la scène internationale. Elle se battait déjà, alors, pour l’accès des filles à l’éducation, menacé par les talibans (Voir : Déterminées, livres à la main, contre les armes et l’obscurantisme).
Depuis, celle qui vit désormais en Angleterre est devenue un symbole de la lutte des filles pour le droit à l’éducation et porte son message partout dans le monde. En juillet dernier, elle était au Nigéria pour que ne soient pas oubliées les collégiennes enlevées par Boko Haram, et pour appeler à être « plus forts que la violence et la peur » (Voir : Au Nigeria, l’appel de Malala face à la « guerre contre l’éducation »).
Il y a tout juste un an, le 10 octobre 2013, elle recevait le prix Sakharov du Parlement européen. Alors que, dès la fin de l’année 2012, des appels officiels étaient lancés pour qu’elle reçoive le Nobel de la Paix, Malala déclarait : « Beaucoup de gens méritent le prix Nobel de la Paix. Je pense que je peux en faire encore davantage. Selon moi, je n’ai pas accompli tant de choses que ça pour gagner le Nobel de la paix » (Voir : Malala Yousafzai sous les projecteurs).
Un message contre l’extrémisme religieux
Par ce prix commun, le comité Nobel donne un sens supplémentaire à son choix : il souligne sa volonté de rapprocher une Pakistanaise et un Indien, un Hindou et une Musulmane – des représentants de deux pays qui à la fois connaissent des tensions religieuses internes et des relations conflictuelles entre eux – « dans un combat commun pour l’éducation et contre l’extrémisme ».
Lors de son discours, Malala Yousafzai a elle aussi insisté sur le « message de paix entre les deux pays, et entre les religions », que ce Nobel représente. Elle a annoncé avoir décidé, avec Kailash Satyarthin, d’inviter le Premier ministre indien Narendra Modi et son homologue pakistanais Nawaz Sharif à la cérémonie de remise du prix, en décembre à Oslo, dans le but d’améliorer les relations entre les deux Etats.
« La lutte contre l’oppression et pour les droits des enfants et des adolescents contribue à la ‘fraternité entre les nations’ qu’Alfred Nobel mentionne comme l’un des critères du Prix Nobel de la paix », conclut le comité.
Photo : Malala Yousafzai lors de la remise du 25e prix Sakharov, le 20 novembre 2013. Par Claude TRUONG-NGOC — Travail personnel. Via Wikimedia Commons.