Alors que les dénonciations de violences sexistes et sexuelles explosent à la surface de l’information, en dessous la société reste profondément patriarcale. La grande conversion féministe se fait attendre. La pétition #OnPersisteEtOnSigne appelle à avancer.
Quand 100 hommes du 7ème art signent, début mai, une tribune de solidarité avec les femmes de Metoo (dans Elle), ils sont applaudis à tout rompre, y compris par des féministes. Lorsque Bernard Pivot tire sa révérence, l’homme qui a fait aimer la littérature est salué sans trop de bémols quant à sa contribution active à la propagation du sexisme, de la misogynie ou de la pédocriminalité. Quand le comédien Vincent Lindon appelle les hommes à soutenir les femmes dans le mouvement #Metoo, il demande aussi aux femmes de leur donner une feuille de route…
Déférence à la domination masculine
Nous en sommes encore là, en 2024, sept ans après #Metoo ! Il faudrait se prosterner devant 100 hommes se désolidarisant des hommes violents envers les femmes. Il faudrait leur expliquer comment aider… Un peu comme féliciter les hommes quand ils « aident » leur femme à accomplir les tâches domestiques. La puissance des normes sexistes est hallucinante ! Remercier les hommes qui font moins que le minimum syndical est une marque de déférence à la domination masculine.
Il ne s’agit pas ici de dire que les 100 signataires de la tribune ont eu tort de l’écrire. Le texte est clair et la sincérité de beaucoup d’entre eux est réelle et ne date pas d’aujourd’hui. On peut, par exemple, se souvenir de ce coup de gueule de Jacques Audiard contre l’absence de réalisatrices à la Mostra de Venise en 2018. (Lire : « L’égalité ça se compte, la justice ça s’applique »). Mais ce sont des prises de position trop exceptionnelles pour changer les choses.
Faire exploser un système de croyances
Pour en finir avec cette domination masculine, c’est tout un système de croyances qu’il faut faire exploser. Entrer en conversion féministe comme on entre en conversion religieuse. Et c’est un travail de tous les jours qui va se nicher dans tous les interstices de la société. Chacune, chacun a un rôle à jouer pour cesser de propager la culture de domination masculine. Mais plus particulièrement les hommes et femmes de pouvoir, de culture, de médias.
Ne pas idolâtrer un homme comme Bernard Pivot, qui a notamment soutenu Gabriel Matzneff et l’a laissé insulter Denise Bombardier. Celle-ci dénonçait la pédocriminalité promue dans les livres de l’auteur (lire ici). C’était en 1991 mais Bernard Pivot n’a jamais voulu le regretter.
Combien de fois les féministes ont crié « pas d’honneur pour les violeurs » à chaque fois que l’un d’eux recevait une récompense ? (nos archives regorgent d’exemples). Inscrire cette revendication dans la feuille de route des hommes serait une bonne idée.
Arrêter les signaux amicaux au patriarcat
Mais récemment encore, le président de la République affirmait que Gérard Depardieu rendait « fière la France » et il multiplie les signaux amicaux au patriarcat. (Lire : Emmanuel Macron surjoue la virilité, ennième épisode). Tout comme son premier ministre (Lire : « Qui c’est Raoul »). La sélection de films en course pour des récompenses au Festival de Cannes, compte toujours très peu d’oeuvres réalisées par des femmes (lire : Cannes 2024 : les réalisatrices en perte de vitesse)
Où sont les hommes quand il faut légiférer pour les droits des femmes ? Une commission d’enquête parlementaire a été lancée le 2 mai dernier pour étudier les « abus et violences » dans le milieu de la culture, après une audition de Judith Godrèche. Il n’y avait que 52 députés dans l’Hémicycle. Et seules des femmes ont pris la parole pour défendre la création de cette commission… (Nos archives regorgent d’images d’assemblées quasiment vides quand il s’agit de Droits des femmes).
Terreau favorable à la rumeur antiféministe
Toujours au début du mois de mai, une rumeur lancée par des complotistes d’extrême droite, a conduit des journaux à affirmer que Médiapart allait publier, en ouverture du festival de Cannes, une liste de dix noms de professionnels accusés d’agressions sexuelles. Une information fausse qui contribue à décrédibiliser le mouvement Metoo. Ce récit a pu prospérer sur le terreau de la haine antiféministe qui s’est manifestée dès le début du mouvement par des accusations de « délation ». Accuser les victimes d’être des affabulatrices a toujours été le meilleur moyen de les faire taire et d’intimider les victimes.
Et l’on pourait multiplier à l’infini les exemples de persistance de la culture patriarcale.
Une loi intégrale contre le déni
Les affaires qui sortent, les #Metoo qui naissent dans tous les milieux professionnels sont trop souvent traités dans les médias comme un spectacle qui assure de l’audience via des attaques ad hominem et non comme un phénomène de société qu’il faut dénoncer. Du côté des politiques, quelques mesures sont annoncées parfois sans être à la hauteur du changement culturel, ou même anthropologique, attendu.
Les femmes dénoncent mais l’impunité perdure.
Une nouvelle fois, les féministes se sont mobilisées « pour demander une loi intégrale contre les violences sexuelles et sexistes, ambitieuse et dotée de moyens. » Une loi « intégrale » parce que « Les inégalités et les rapports de pouvoir favorisent les violences sexistes et sexuelles et le déni collectif protège les agresseurs. »
Elles ont été 100 à poser dans le journal Le Monde du 15 mai pour porter ce message. Avec le mot d’ordre « On persiste et on signe ». Une pétition à signer ici pour changer les rapports de pouvoir.
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