Un adolescent de 14 ans a poignardé une surveillante de son collège. Les responsables politiques mettent en cause les armes blanches ou les réseaux sociaux… Mais pas les comportements asociaux induits par une certaine vision de la masculinité.
Mardi 10 juin, une surveillante est décédée après avoir été poignardée par un élève de 14 ans lors d’un contrôle des sacs devant le collège Françoise Dolto de Nogent, en Haute-Marne. Après un temps de stupéfaction et de compassion pour la victime et ses proches, vient le temps des réactions politiques et des annonces.
Un garçon normal ?
Le maire de la ville a parlé d’un jeune qui était « sur de bons rails ». Élisabeth Borne, ministre de l’Education nationale, a ainsi décrit le profil du suspect : « jeune d’une famille dont les deux parents travaillent, qui ne présentait pas de difficultés particulières et qui était ambassadeur harcèlement ». Cependant, a-t-elle précisé, « le collégien avait fait l’objet en début d’année de deux exclusions temporaires pour perturbation de la classe, mais depuis le mois de novembre, il n’y avait pas du tout de difficultés avec cet élève »
Selon le Figaro, les deux exclusions correspondent à deux épisodes de violence au mois de novembre dernier : un coup de poing à un élève, puis une tentative d’étranglement d’un autre.
Haro sur les armes blanches et les réseaux sociaux
Sur TF1, le soir du drame, le Premier ministre, François Bayrou, a promis d’interdire « tout de suite » la vente de certaines armes blanches aux mineurs, évoquant une « épidémie » de drames à l’arme blanche. Une annonce qu’a confirmée le président de la République, quelques minutes après sur France2. Cette décision reprend une recommandation du rapport de la députée Naïma Moutchou, sur le fléau des armes blanches chez les mineurs, remis le 28 mai dernier au Premier ministre. Emmanuel Macron, a aussi annoncé qu’il allait interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans.
Depuis, les débats médiatiques se demandent si les morts par arme blanche commises par des mineurs sont en hausse, si cette hausse est due aux réseaux sociaux, à la défaillance des parents, à la santé mentale des adolescents, au manque de moyens des établissements scolaires…
Des armes dans les mains de garçons
Mais aucun des responsables politiques, des « expert.es » invités par les plateaux ou des journalistes ne semble voir que les auteurs de ces drames sont tous des hommes. Le Monde a dressé une liste de récentes attaques au couteau, perpétrées par des jeunes ces derniers mois : le 31 mai dernier à Dax, lors d’une fête de foot, un jeune garçon en meurt ; en avril, une lycéenne de 15 ans est tuée dans un établissement privé de Nantes (et trois autres adolescent.es blessés par le même agresseur); en janvier, à Paris, un jeune succombe à des coups de couteau après son entraînement de football pour avoir résisté au vol de son portable…Tous les auteurs sont des hommes.
Mais, une nouvelle fois, la question de l’éducation des garçons si souvent posée par les féministes, passe sous les radars politiques et médiatiques. (Lire : Cycliste tué à Paris, l’ombre de la virilité toxique)
Santé mentale des garçons…
A peine a-t-on pu entendre le pédopsychiatre Stéphane Clerget sur France Inter au journal de 7h30 (à 6’) le 11 juin, qui s’est exprimé sur « la santé mentale des adolescents et la prise en charge en particulier des garçons. » Selon lui, ils « sont plus en difficulté à la fois pour exprimer leurs émotions, leur mal-être, leurs tensions que les filles. Et sont plus sujets à des comportements impulsifs et violents, à des passages à l’acte physique. » Mais, assure-t-il, des moyens de prévention éducatifs existent. « Le meilleur moyen de prévention est un encadrement humain bienveillant par des adultes pour proposer des modèles masculins qui gèrent les conflits autrement que par la violence physique et l’impulsivité. »
… Ou socialisation défaillante ?
Pas sûr qu’il soit plus entendu que les féministes qui dénoncent l’apprentissage d’une masculinité toxique aux garçons… Et pas seulement via les réseaux sociaux. Cette masculinité toxique présente un coût humain incalculable et un coût économique que les dirigeants politiques ignorent avec obstination.
Lucile Peytavin a fait un point de la situation dans son ouvrage « Le coût de la virilité » où elle explique que si les garçons étaient éduqués, socialisés comme les filles, les dépenses liées à leurs comportements asociaux seraient moindres. En France, les hommes commettent 86% des meurtres, la quasi-totalité des viols (99%), presque tous les incendies criminels (99%), des vols avec arme (95%), ainsi qu’une grande part des accidents mortels sur la route (84%). En prison, 96,3% de la population carcérale est masculine….
Mais cette analyse féministe est encore une fois inaudible.
Biberonné à la violence
Ajout le 11 juin à17h30 : Le procureur de la République, Denis Devallois, qui a pris la parole face à la presse, mercredi 11 juin, a donné quelques éléments sur le profil du tueur. « Ne semble pas présenter de trouble mental… N’exprime ni regret ni compassion pour les victimes… Il fait part d’une certaine fascination pour la violence et la mort ainsi que pour les personnages les plus sombres des films ou des séries télévisées. Il est adepte de jeux vidéos violents. Il utilise peu les réseaux sociaux. Il apparaît en perte de repères quant à la valeur de la vie humaine à laquelle il ne semble pas attacher une importance particulière ».
Et sur ses motivations : « Il a indiqué aux enquêteurs avoir voulu s’en prendre à une surveillante sans cibler en particulier l’une d’entre elle (toutes les personnes occupant ces fonctions sont des femmes). Il dit ne plus supporter le comportement des surveillantes en général qui auraient des attitudes différentes selon les élèves… Peut-être un lien entre le fait d’avoir été sermonné par une surveillante vendredi 6 juin alors qu’il embrassait sa petite amie au sein du collège… Cette surveillante n’est pas celle qui sera sa victime le 10 juin. Il a ensuite ressassé le projet de tuer une surveillante, n’importe laquelle. Il a pris le plus gros couteau de la maison pour « faire le plus de dégâts »
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