Mansplaining scientifique. Deux journalistes cherchent à avoir le dessus sur l’épidémiologiste qui conteste leur façon de présenter des chiffres de propagation du covid.
Catherine Hill est une grande épidémiologiste et biostatisticienne française au CV très impressionnant. Invitée sur le plateau de 24h Pujadas sur LCI mardi 2 février, elle a eu droit à un redoutable moment de sexisme ordinaire sous forme de « mansplaining » : les journalistes présents sur le plateau n’apprécient pas qu’elle contredise les courbes qu’ils affichent et les interprétations qu’ils en font. Et ils lui font la leçon.
David Pujadas commence par affirmer qu’on observe un phénomène mondial selon lequel « le virus recule un peu partout ». Le journaliste Baptiste Morin enchaîne avec une infographie montrant que, d’une semaine à l’autre, le virus serait en train de baisser dans plusieurs pays. Catherine Hill hausse alors un peu le ton, elle veut mettre en garde et dire que les données montrées sont à expliquer, et qu’il y a des « variabilités à l’intérieur de chaque semaine » à prendre en considération pour comprendre ces chiffres. Elle tente d’expliquer son propos, ce pour quoi elle a été invitée sur le plateau, mais les journalistes ne veulent rien entendre. On l’entend dire très clairement « c’est ridicule » … « ça n’a pas de sens votre truc » dit-elle à propos de leur façon de calculer la propagation du virus. Elle finit par pouvoir expliquer : « Mais tout le monde fait la moyenne sur sept jours, donc il ne faut pas montrer ces graphes où l’on voit le pic et le creux à l’intérieur d’une semaine. Ce n’est pas sérieux comme affaire. Il faut montrer les moyennes glissantes sur sept jours, c’est ce que font tous les professionnels donc ce n’est pas sérieux comme traitement des données. ». Mais rien n’y fait, les journalistes veulent affirmer que la tendance est à la baisse quitte à donner des chifres exagérés. Baptiste Morin, répond que ces moyennes glissantes sont, elles aussi, en train de baisser. « Alors c’est ça qu’il faut montrer » rétorque l’épidémiologiste. Mais les journalistes continuent avec les mêmes courbes. Pujadas qui veut avoir raison se permet même de lui dire, sourire en coin, « vous allez être surprise. » Et le journaliste poursuit narquois, affirmant « n’en déplaise à Catherine Hill ». Comme si l’enjeu était davantage d’avoir le dessus sur la scientifique que d’informer.
Et tout ça devant Catherine Hill, épidémiologiste, qui proteste mais qu'on ignore superbement : "N'en déplaise à Catherine, il y a tendance à la baisse."
Du grand journalisme.https://t.co/HzfhwNkYsC— Chat Sceptique (@ChatSceptique) February 3, 2021
Jean-Daniel Flaysakier, médecin et journaliste qui a été le spécialiste « santé-médecine » à la rédaction France2 jusqu’à 2018, ne rate pas ses confrères sur twitter : «Le pseudo « moi je sais » avec l’aplomb necessaire pour « apprendre » à Catherine Hill comment on lit une courbe ! Et il y a fort à parier que le « calibre » qui est redac chef du programme a du le féliciter »
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