Les grands médias assurent la promotion du dernier livre de Nicolas Bedos, honteux d’avoir été condamné pour agression sexuelle. Mais ils ratent une occasion d’en finir avec les inversions de culpabilité dans le récit des violences sexuelles.

« On a hésité à vous inviter » affirmait Lea Salamé en recevant Nicolas Bedos dans l’émission « Quelle époque ! » sur France2 le 3 mai. Des hésitations vite balayées pour offrir 30 minutes de promotion au cinéaste et humoriste condamné en octobre dernier à un an de prison sous bracelet électronique dont six mois avec sursis probatoire pour des agressions sexuelles sur deux femmes en 2023.
Nicolas Bedos est aussi à la une du journal Le Point, et dans tous les journaux à forte audience pour parler de son dernier livre « La Soif de honte ». Ce qui lui donne l’occasion de parler de lui, de lui et encore de lui dans ce que certains journaux appellent un « récit introspectif » dans lequel il est supposé explorer « la possibilité du pardon à l’ère #MeToo. »
Certes, il ne la joue pas « ouin ouin, haro sur les harpies féministes qui brisent les carrières d’hommes innocents » contrairement à la plupart des hommes accusés et/ou condamnés pour agression sexuelle. Mais la médiatisation de son livre ne fait pas beaucoup de bien au mouvement de libération de la parole des femmes. Les messages visibles sur l’écume de l’info maintiennent l’inversion de culpabilité qui fait des agresseurs sexuels des agneaux, victimes de féministes enragées.
Point de vue
Dans un titre du Figaro Nicolas Bedos dit « sa » vérité : « J’étais un type odieux, mais pas un agresseur sexuel ». Sa vérité n’est pas celle de la justice qui l’a condamné. Avec ce livre, il veut mettre le tribunal médiatique de son côté comme il l’avait fait à l’annonce du verdict en octobre dernier. De son point de vue et de celui des médias qui le soutiennent, la définition d’une agression sexuelle par la justice n’a aucune valeur.
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La suite du titre du Figaro est : « du tapis rouge au bannissement, Nicolas Bedos aura-t-il une seconde chance ? » réactivant ainsi une idée tenace anti-MeToo : le mouvement qui briserait les carrières des hommes. Une idée fausse bien entendu.
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La séquence dans l’émission de Léa Salamé s’est terminée par quelques minutes redoutables. Le « sniper » de l’émission, Paul de Saint-Sernin, a lancé, depuis les rangs du public : « Tout l’argent récolté grâce aux ventes de ce livre sera reversé à des associations de victimes » et il ajoute : « Tu ne le sais pas, je viens de le décider… » Réponse de Nicolas Bedos agacé : « c’est sérieux ce qu’on dit là ». Justement ! Paul de Saint-Sernin explique : « C’est une manière de te montrer que c’est important, le consentement. Je décide que cet argent est reversé à une association sans te demander ton avis. »
Malaise
Applaudissements du public et séquence reprise avec gourmandise dans de nombreux médias. Malaise aussi car l’humiliation publique d’un homme qui affiche des regrets n’a rien de glorieux.
Les grands médias ont encore raté une occasion d’offrir à l’opinion une occasion de préférer #MeToo au discours bien huilé qui innocente les agresseurs sexuels.
Après la publication de l’article du Figaro, beaucoup de journaux ont repris une blague de Nicolas Bedos commentant son passage sur le plateau de « Quelle époque! » : « L’interview m’a presque fait regretter la garde à vue. Les policiers sont beaucoup moins obtus »
L’association #MeTooMédia regrette que les femmes qui dénoncent les violences ne bénéficient jamais d’autant de bruit médiatique que les agresseurs. Offrir leur audience à Nicolas Bedos « n’est pas une obligation jounalistique. Ce n’est pas de l’information. C’est de la complaisance. C’est de l’impunité. » écrit #MeTooMedia