Parité en trompe l’œil, ministres ultra-conservateurs opposés à la constitutionalisation du Droit à l’IVG ou au mariage pour tous.tes, un secrétariat d’Etat confié à une élue peu convaincue… Les associations féministes s’alarment.
La nomination de Michel Barnier comme Premier ministre ne laissait rien augurer de bon pour les droits des femmes. Le chef du gouvernement de 73 ans, issu du groupe Les Républicains (LR), arrivé en 4ème position lors des élections législatives, avec seulement 7% des voix, engage la France dans des politiques ultra-conservatrices. Car pour gouverner, il devra complaire à l’extrême droite qui est arrivée en 3ème position.
Il a composé son propre cabinet avant de composer son gouvernement et ce fut très parlant. (Lire : Le nouveau Premier ministre, Michel Barnier, s’assoit sur la parité)
Parité en trompe l’oeil
Il avait promis la parité au sein de son gouvernement. Une notion acquise depuis une vingtaine d’années quand l’adoption de la loi sur la parité en 2000 a rendu inacceptables les exécutifs masculins. Depuis, nombre de gouvernements ont affiché une parité « en trompe l’œil ». Celui-ci n’y échappe pas.
39 ministres, ministres délégués et secrétaires d’État ont été nommés : 20 femmes et 19 hommes. Aucun ministère régalien n’a été confié à une femme (Intérieur, Justice, Affaires étrangères Économie, Armées). Elles ont plutôt hérité de ministères sociaux comme l’Education, la Santé ou la Culture. Les femmes occupent 36 % des postes de ministres de plein exercice, 53 % des ministères délégués et 60 % des secrétariats d’Etat.
Secrétariat d’Etat pour l’Egalité et ministère pour « La » famille
Quant à la question des Droits des femmes, la voici reléguée à l’avant-dernier rang dans l’ordre protocolaire avec un secrétariat d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes. Et celui-ci, confié à Salima Saa, n’est plus placé sous la tutelle du Premier ministre mais sous la tutelle de Paul Christophe, en charge des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Sous l’autorité de ce même ministre, une ministre déléguée, madame Agnès Canayer sera chargée de « la » famille et de la petite enfance. L’utilisation du singulier pour désigner « la » famille et non plus « les » familles en dit long. Quid des familles monoparentales ou homoparentales ?
Ministère « ridicule » ?
Et la nouvelle secrétaire d’Etat en charge de l’égalité est loin d’être convaincue de sa mission. Celle qui était entrée en politique par la porte de l’UMP (ex-LR) fut porte-parole adjointe de la campagne de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle de 2012. Elle avait déclaré, selon un article de Slate il y a 12 ans : « On est à l’écoute des femmes plus que des militantes. Un ministère des droits des femmes, je trouve ça ridicule en 2012, pas moderne ! »
La petite phrase a notamment été exhumée par Hélène Bidard, adjointe à la mairie de Paris pour l’égalité femmes – hommes.
Alerte des associations féministes
Les associations féministes* s’alarment de « la nomination d’un gouvernement ultra conservateur. Nous dénonçons en particulier la présence de ministres qui se sont engagé·es ou ont voté contre le droit à l’IVG dans la Constitution ou contre le mariage pour tous·tes, une régression sans précédent. »
Elles soulignent que « Le procès des violeurs de Mazan suscite un émoi sans précédent. Chacun·e prend la mesure d’un besoin urgent que les victimes puissent déposer plainte sans crainte et appréhension, et de la nécessité de lutter réellement contre la culture du viol. »
Elles dressent une nouvelle fois un projet pour une transformation féministe de la société et réclament :
«- Un ministère de plein exercice pour piloter les politiques en matière de droits des femmes et assurer la coordination avec l’ensemble des ministères.
– Une loi-cadre intégrale contre les violences sexuelles qui lutte contre la culture du viol par la prévention, la sensibilisation et l’accompagnement des victimes. Cet ensemble de mesures doit inclure la mise en œuvre de procédures pénales adaptées et de véritables moyens et obligations d’enquête.
– Un budget à hauteur de 2,6 milliards d’euros par an pour se donner les moyens de lutter contre les violences faites aux femmes.
– La mise en oeuvre d’une diplomatie féministe qui subordonne les relations diplomatiques et internationales au respect des droits des femmes, aux minorités de genre et aux personnes LGBTQIA+.
– L’abrogation des lois qui durcissent l’accueil des personnes exilées qui fuient les persécutions basées sur le genre ou l’orientation sexuelle et trouvent refuge en France »
Ces associations « appellent à une nouvelle mobilisation le 19 octobre en soutien aux victimes de violences sexuelles et à la grande manifestation contre les violences le 23 novembre partout en France. »
Mais comment un tel gouvernement pourrait-il suivre ce programme ? La « grande cause nationale des quinquennats d’Emmanuel Macron a disparu même dans les envois de poudre aux yeux.
*Organisations et associations signataires :
Alliance des femmes pour la démocratie, Amicale du Nid, Association Française du Féminisme, Chiennes de garde, Choisir la cause des femmes, Collectif National pour les Droits des Femmes, Collectif 65 pour les Droits des Femmes, Coordination des Associations pour le Droit à l’Avortement et la Contraception, Coordination française pour le Lobby Européen des Femmes, Encore Féministes !, En avant toute(s), Equipop, Femmes avec, Femmes Solidaires, Fondation des femmes, Institut Ouïghour d’Europe (IODE), Iran justice, Le Cercle Persan, Ligue des Femmes Iraniennes pour la Démocratie-LFID, LOBA, Mouvement du Nid, Mouv’Enfants, MeTooMedia, Observatoire des Violences Sexistes et Sexuelles dans l’Enseignement Supérieur, Osez le Féminisme !, Oxfam France, Planning Familial, Quartiers du Monde, Règles Élémentaires, Réseau Féministe “Ruptures”