La Commission ne se mouille pas, les eurodéputés avancent leurs pions, tandis que la culture des organismes génétiquement modifiés s’étend ailleurs dans le monde. Etat des lieux.
Le 7 juin prochain, le Parlement européen se saisira d’un dossier sensible. Les eurodéputés se prononceront sur un projet de directive réglementant la culture des organismes génétiquement modifiés (OGM).
A l’heure actuelle, les autorisations sont accordées par la Commission européenne, mais un Etat a le pouvoir de faire jouer une « clause de sauvegarde » pour interdire tel ou tel OGM sur son territoire. La nouvelle directive ne modifierait pas cette approche dans le fond, mais met en question les critères permettant aux Etats de justifier leurs choix.
Mardi 12 avril, la commission ‘Environnement’ du Parlement européen, présidée par Corinne Lepage, a adopté sa position : les Etats devraient pouvoir invoquer des motifs environnementaux – tels que la résistance aux pesticides – mais aussi des motifs socio-économiques – par exemple pour protéger d’autres cultures des risques de contamination.
Regards orientés
Dans le cadre des négociations entre les différentes instances européennes sur la révision du texte, la Commission européenne a justement rendu de son côté, vendredi 15 avril un rapport sur les conséquences socio-économiques de la culture des OGM… Un rapport qui ne répond franchement à aucune question : l’Union manque de données pertinentes, conclut le document. Même à l’échelle mondiale, « les données disponibles sur les répercussions sociales le long de la chaîne alimentaire sont plutôt rares, voire inexistantes. » La faute aussi aux tensions que génère le sujet, estime la Commission : « les répercussions socioéconomiques actuelles ou futures de la culture d’OGM en Europe, à tous les stades de la chaîne alimentaire et dans l’ensemble de la société, ne sont souvent pas analysées de manière objective ».
Mais, à lire les remarques des acteurs interrogés en France, le questionnaire adressé aux Etats par la Commission pour préparer ce rapport était quelque peu orienté. Les associations de défense de l’environnement, mais aussi le Haut conseil des biotechnologies, ont toutes regretté en particulier l’absence de la dimension éthique dans les champs d’interrogations de la Commission.
Maïs et patate dans les champs européens
A l’heure actuelle, pour autant, l’Union européenne reste un terrain peu favorable à ces organismes. Ils sont nombreux à être autorisés à la consommation (liste ici en anglais), mais seules deux plantes génétiquement modifiées sont autorisées à la culture : le maïs MON810 (cultivé particulièrement en Espagne) et la pomme de terre Amflora (sa culture a débuté dans trois Etats : la République tchèque, l’Allemagne et la Suède). Plusieurs Etats, dont la France, font jouer la « clause de sauvegarde ». La validité de ce moratoire pourrait toutefois se voir prochainement remise en cause par la Cour de justice de l’Union européenne.
L’Afrique, terre de mission
En 2010, quinze ans après le début de la commercialisaion des OGM, leur surface cultivable a atteint 150 millions d’hectares dans le monde, soit 10% des terres agricoles – et une hausse de 10% en un an. L’Europe en compte moins de 100 000 hectares.
Sur les 29 pays cultivant des OGM en 2010, 10 sont des pays industrialisés, et 19 des pays en développement. Et c’est dans ces derniers que leur croissance est la plus rapide. Avec 25 millions d’hectares en 2010 – quatre millions de plus en une seule année – le Brésil est devenu le deuxième cultivateur d’OGM, derrière les Etats-Unis. L’industrie compte aussi sur le continent africain pour se développer. Seuls trois pays y cultivent actullement des plantes génétiquement modifiées : l’Afrique du Sud, l’Egypte et le Burkina Faso (ce seul pays compte déjà près de trois fois plus de surface de cultures OGM que l’Europe entière). Mais le Kenya devrait prochainement les rejoindre, et la liste pourrait rapidement s’allonger.