Pour beaucoup de journaux, traiter une femme de « pute » comme l’aurait fait Jean-Vincent Placé, c’est l’importuner. Encore des mots qui entretiennent la tolérance sociale.
Jeudi 5 avril, un reportage d’Envoyé Spécial consacré aux crimes conjugaux revenait sur les titres de presse qui minimisent ces meurtres. Le même jour, un exemple de banalisation des violences faites aux femmes faisait écho dans les médias. Un fait divers très largement commenté : l’ancien sénateur Jean-Vincent Placé l’a été en garde à vue après qu’il aurait, alcoolisé, injurié une femme, un vigile et des policiers dans un bar parisien.
Tous les articles rapportent que le vigile aurait été la cible d’« insultes racistes ». Mais pour la femme victime, c’est une autre affaire. Beaucoup de journaux écrivent dans leur « chapeau » qu’elle a été « importunée » mais les faits décrits ensuite dans l’article évoquent une agression. Certains vont même jusqu’à accoler les deux notions dans une même phrase.
Jean-Vincent Placé aurait « importuné une jeune femme, en la traitant de « pute » parce qu’elle avait refusé de danser avec lui contre rémunération », écrivent par exemple Les Inrocks.
Importuné ? Le mot est bien faible au regard des faits évoqués. Car, selon la loi, un propos injurieux tenu dans le cadre de l’espace public n’est autre qu’un délit. Et son caractère sexiste (également raciste, homophobe ou handiphobe) constitue une circonstance aggravante. Le délit est alors passible d’une peine de 6 mois de prison.
« Tolérance sociale »
Tels que les faits sont rapportés, l’attitude de Jean-Vincent Placé à l’égard de la jeune femme est donc, selon la loi, tout aussi grave que l’injure raciste à l’égard du vigile. Pourtant, les médias qui font le choix du verbe « importuner » relèguent sa gravité au second plan. Malheureusement pas étonnant. « Les propos, injures et discriminations sexistes bénéficient d’une tolérance sociale considérable », soulignait en 2016 le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes.
Dans une toute récente enquête, l’ONDRP estimait que 7,3 % des Françaises de moins de 30 ans ont subi au moins une injure sexiste au cours de l’année précédente. La plus courante étant justement celle de la « fille facile », que subissent les jeunes femmes dans des lieux publics.
Et cette tolérance sociale a pu être renforcée récemment par la fameuse tribune, bien confuse, consécutive à l’affaire Weinstein : des femmes défendaient la « liberté d’importuner » quand d’autres parlaient d’agression. Nous avions essayé de comprendre (Voir : Pourquoi cette tribune contre #BalanceTonPorc ? Peggy Sastre répond )… Le mystère reste épais.
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