Alyssa Milano a appelé dimanche à une « grève du sexe » contre une loi ultra-restrictive contre l’IVG. Cette arme fait polémique.
Mardi 7 mai, l’Etat de Georgie s’est doté d’une loi extrême contre l’avortement aux Etats Unis. Brian Kemp, le gouverneur Républicain, a promulgué la loi «fetal heartbeat» («battement de cœur fœtal») interdisant l’avortement après environ six semaines de grossesse. Cette loi ultra-restrictive est assortie de sanctions terribles : prison à vie et peine de mort en cas de recours illégal à l’IVG.
Le projet avait été vivement contesté. A Hollywood, plus de cinquante stars, avaient menacé de boycotter la Géorgie (la région d’Atlanta accueille des tournages hollywoodiens, une manne de 9 milliards de dollars par an.) Mais rien n’y a fait, le texte est passé. Alors ces mêmes stars ont, à l’initiative de l’actrice américaine Alyssa Milano, appelé dimanche à une « grève du sexe » aux Etats-Unis. « Nous ne pouvons pas risquer de tomber enceintes.» Un visuel avec un grand X rose sur fond blanc et un hashtag #SexStrike a été créé sur les réseaux sociaux.
« Tant que les femmes, n’auront pas le droit de disposer de leurs corps, nous ne pourrons pas prendre le risque de tomber enceinte » écrit Alyssa Milano « Comme moi, n’ayez pas de relations sexuelles jusqu’à ce que nous retrouvions notre autonomie. »
La réaction de Marlène Schiappa à cette idée a fait polémique sur la Toile. La Secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes a posté sur les réseaux sociaux un message : « Je vois passer cette idée d’Alyssa Milano de « grève du sexe. » Le sexe n’est pas un service que l’on rend à quelqu’un. Faire la grève du sexe c’est aussi se priver soi-même. Menacer de grève du sexe en réaction aux régressions du droit à l’IVG c’est comme nous punir nous-même une deuxième fois. Il est temps de considérer que les femmes aussi ont droit à une sexualité libre et épanouie et de cesser d’envisager la sexualité des femmes comme quelque chose qui aurait pour but d’être agréable pour… les hommes ! » #féminisme
Aux Etats-Unis, quelques femmes allaient dans le même sens que la ministre. En France les réactions ont été vives. Sur Twitter, toujours, la chercheuse Camille Froidevaux-Metterie a dit son hostilité à la grève du sexe pour d’autres raisons que Marlène Schiappa. Notamment parce qu’ «elle invisibilise le fait que l’IVG peut être consécutive à un viol », entretient l’idée « que ce sont les femmes qui sont responsables des grossesses non-désirées » ou que «faire du corps des femmes l’enjeu d’un marchandage, c’est l’instrumentaliser, l’objectiver, et finalement perpétuer l’assignation sexiste des femmes à leur génitalité».
Créer un rapport de force
Mais « la question de la restriction des lois sur l’avortement est très grave » déplore Natacha Henry, fondatrice de Gender company. « Les avortements clandestins tuent des femmes partout dans le monde. Le sujet n’est pas de voter pour ou contre la grève du sexe. Mais de mobiliser les troupes sur un problème très sérieux. » C’est d’ailleurs ce /qu’explique Alyssa Milano qui a répondu aux objections dans une tribune sur CNN expliquant que la grève du sexe était avant tout un moyen de faire réagir le plus grand nombre de femmes et d’hommes.
La philosophe de la pensée féministe Geneviève Fraisse explique, dans 20Minutes que l’initiative d’Alyssa Milano est un combat politique. Il s’agit d’instaurer un rapport de force et le sexe est une arme. Et de rappeler l’histoire de Lysistrata, la pièce d’Aristophane écrite en 411 avant J.-C. Des femmes avaient obtenu la paix entre Athènes et Sparte en faisant une grève du sexe. Ce qui est important, rappelle Geneviève Fraisse est que l’IVG est menacé partout dans le monde. Selon elle, c’est parce que les femmes accèdent à certains postes de pouvoir que ces hommes contre-attaquent sur leur corps. Valérie Rey-Robert, auteure de Une culture du viol à la française a lancé un grand débat sur Twitter en écrivant « Pathétique de voir des féministes françaises moquer l’initiative de Alyssa Milano. Vous contribuez à invisibiliser ce pourquoi elle l’a lancé ; la lutte pour l’IVG en grand danger aux USA. » D’ailleurs aux Etats-Unis, les réactions les plus vives à cette idée de grève du sexe viennent des « Républicains ». S’ils réagissent c’est que l’arme est efficace…
Mais cela n’a pas empêché le Sénat de l’État de l’Alabama d’adopter, le 14 mai un projet de loi interdisant l’avortement. Il prévoit de lourdes peines de prison : de 10 à 99 ans pour les médecins pratiquant des interruptions volontaires de grossesse. Le texte ne prévoit pas d’exception en cas de viol ou d’inceste. Seule l’urgence vitale pour la mère peut autoriser une IVG.
« Quand les décisions sont prises sans nous, elles sont prises contre nous » a dit à plusieurs reprises Hadja Idrissa Bah, porte-parole des féministes d’Afrique lors de la préparation de revendications pour un G7 féministe. La grève du sexe, une arme pour s’imposer à la table des prises de décision.
Lire aussi dans Les Nouvelles News
MOBILISATION FÉMINISTE POUR LE G7
VALÉRIE REY ROBERT : « #METOO N’A PAS ABOLI LA CULTURE DU VIOL »