Le géant asiatique de la fast fashion Shein est dénoncé pour la vente de poupées sexuelles banalisant la pédocriminalité. Une infraction rarement punie en France. Mais cette fois-ci la justice s’est saisie du sujet.
Shein, le géant chinois de la mode ultra éphémère aux pratiques sociales et environnementales délétères s’est révélé aussi être acteur de pédopornographie au moment où il doit ouvrir un magasin à Paris. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a constaté la présence, sur sa plateforme, d’annonces proposant « des poupées sexuelles d’apparence enfantine.»
Pas de doutes sur le caractère pédopornographique
Dans un communiqué publié le 31 octobre, l’administration a indiqué avoir signalé ces pratiques au procureur de la République et au régulateur des médias (Arcom). La DGCCRF note que les descriptions des produits « permettent difficilement de douter du caractère pédopornographique ». Le site mettait en vente une poupée de 80 cm portant dans ses bras un ours en peluche avec cette mention : « poupée sexuelle […] jouet de masturbation masculine avec corps érotique et vrai vagin et anus ».
Le communiqué rappelle que « la diffusion, via un réseau de communications électroniques, de représentations à caractère pédopornographique, est passible de peines pouvant aller jusqu’à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.» Shein affirme avoir retiré « immédiatement » les annonces incriminées et ouvert une enquête interne.
Le ministre de l’Economie, Roland Lescure, s’est contenté de dire qu’il demanderait l’interdiction d’accès de Shein en France s’il vendait à nouveau des poupées sexuelles à caractère pédopornographique.
Une pratique courante sur les plateformes de vente en ligne
Au-delà du cas Schein, les associations de protection des enfants dénoncent les pratiques de ceux qui font commerce de l’incitation à la pédocriminalité et l’inertie des pouvoirs publics.
Sur FranceInfo le 2 novembre, Martine Brousse, présidente de La Voix de l’enfant, a rappelé que son association avait porté plainte contre Amazon en 2020 pour la vente de produits similaires. Mais, dit-elle, « la justice n’a pas suivi » en France, pourtant « il y a des textes de loi, et bien qu’on les applique ! » Le lendemain, sur FranceInfo encore, la haute-commissaire à l’Enfance, Sarah El Haïry, déclarait que ses services avaient été alertés sur d’autres cas. Et annonçait avoir « engagé des contrôles plus larges, des procédures sur les autres plateformes ». (Notamment la plateforme AliExpress).
Manif
L’association de lutte contre la pédocriminalité, Mouv’Enfants, a demandé, via une pétition en ligne, « le retrait immédiat des poupées à l’effigie d’enfants, reproduites à des fins pédoporno-criminelles », ces objets pouvant inciter « à des comportements criminels et sexuels sur mineurs ». « Leur existence et leur diffusion représentent une violation grave des droits fondamentaux des enfants, ainsi qu’un risque avéré de préfiguration ou d’encouragement à la pédocriminalité. »
Ce lundi 3 novembre, Mouv’Enfants, a organisé une manifestation devant le BHV, le grand magasin qui se prépare à accueillir la marque Shein dès mercredi. « Protégez les enfants, pas Shein » « Honte au BHV ! Honte à Shein ! », « Dégagez Shein » ont interpelé les manifestant.es. Au sol, l’association avait imité une scène de crime en déposant des objets sur un drap blanc : une poupée, des vêtements d’enfants éparpillés.
Arnaud Galais, qui représente l’association, a multiplié les alertes dans les médias rappelant que ce n’est pas la première fois que de telles poupées sexuelles sont en vente, banalisant ainsi les crimes sexuels sur les enfants. Dans le cas de Shein, « ces produits sont toujours en vente sur d’autres sites internationaux du groupe, notamment en Grande Bretagne, aux États-Unis, au Chili et ailleurs », alors que la société affirmait les avoir retirés a déclaré Arnaud Gallais.
Les associations réclament de vraies sanctions. Martine Brousse veut que Shein dise « combien de poupées comme celles-là ont été fabriquées, combien ont été vendues, notamment en France » et qu’ils procèdent à « la destruction du stock ».
Sanctionner les acheteurs
Les associations appellent aussi les autorités compétentes à interdire Shein en France qui est aussi épinglé pour concurrence déloyale, pollution environnementale ou conditions de travail indignes.
Si la médiatisation de la lutte contre la pédopornocriminalité est rendue possible par la notoriété de Shein, un point ne doit pas être oublié : les clients qui achètent ces poupées sexuelles. Mouv’enfants appelle à sanctionner les acheteurs et demande « que des mesures soient mises en place pour identifier et suivre les acheteurs potentiels de ces objets, afin de prévenir tout passage à l’acte ». Et pas seulement sur la plateforme française de Shein.
En attendant, la justice a ouvert, des enquêtes sur les sites de Shein et de ses concurrents AliExpress, Temu et Wish, au nom de la protection des mineurs. Lundi soir, le parquet de Paris a annoncé à l’AFP avoir confié quatre enquêtes à l’Office des mineurs (Ofmin). Ces investigations portent sur la « diffusion de message violent, pornographique, ou contraire à la dignité accessible à un mineur» ainsi que « la diffusion de l’image ou la représentation d’un mineur présentant un caractère pornographique.»
Sur LinkedIn, Mouv’Enfants se réjoutit de cette première victoire mais attend un véritable changement de paradigme dans l’approche de la protection des enfants. L’association écrit :
« Nous exigeons :
1️⃣ La transmission à la justice de l’identité des acheteurs de ces objets pour les poursuivre : la vente et la consommation de produits pédocriminels sont interdits par la loi.
2️⃣ La suppression mondiale et systématique sur toutes les plateformes de tous les produits et dérivés de cette nature.
3️⃣ Des mesures fortes et dissuasives des gouvernements français et européens à l’encontre de ces plateformes complices. »

