Si une majorité de féministes s’engagent à faire front contre l’extrême droite, beaucoup annoncent qu’elles ne voteront pas le 24 avril. Emmanuel Macron prend de haut le front républicain. Et Marine Le Pen pourrait gagner un vote féminin populaire.
En affirmant devant les micros, lundi 11 avril, qu’il n’y avait pas eu de « front républicain » en 2017, Emmanuel Macron a achevé d’exaspérer celles et ceux qui avaient voté pour lui en 2017, à contre-cœur, pour faire barrage à l’extrême droite… Ajoutant qu’il était celui qui avait récolté le plus de voix au premier tour 2022, réfutant l’idée d’incarner un vote de barrage, le président de la République a assommé les orphelins de la gauche et de l’écologie qui ont entendu ses propos inutilement vexatoires.
De son point de vue, le président candidat entend « rassembler » en enrichissant son programme, notamment sur l’écologie et en revenant -un peu, peut-être- sur la retraite à 65 ans. Mais il va devoir sortir l’artillerie lourde pour convaincre… En particulier les femmes. A gauche, beaucoup de féministes sont très remontées contre lui et beaucoup de femmes des milieux populaires pourraient se laisser séduire par les discours de Marine Le Pen.
Au premier tour, des féministes avaient massivement appelé à voter pour Jean-Luc Mélenchon. Le candidat de l’Union Populaire ayant présenté un programme féministe très abouti. De son côté, Emmanuel Macron avait évacué la question en promettant de faire à nouveau de l’égalité femmes – hommes la grande cause du quinquennat.
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Aujourd’hui, une bonne partie de ces féministes joue le « front républicain » sans hésitation. Une autre partie, qui gronde fortement sur les réseaux sociaux, dit refuser de glisser un bulletin « Emmanuel Macron » dans l’urne le 24 avril. Et le candidat ne leur envoie pas de messages rassurants alors que les scores annoncés dans les sondages sont serrés.
Le bilan féministe du président de la République n’est pas nul, avec notamment le Grenelle des violences conjugales. Porté par la vague #MeToo et la détermination de Marlène Schiappa, le sujet a été traité par le gouvernement mais le programme de lutte contre ce fléau n’est pas encore à la hauteur. Et les dernières prises de position d’Emmanuel Macron sur des sujets féministes voulaient plutôt adresser des signaux à la droite. Qu’il s’agisse de l’allongement des délais d’avortement, de la déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé ou encore d’étendre le quotient conjugal aux couples non mariés, non pacsés, alors que les féministes réclament la suppression de cette disposition contraire à l’indépendance financière des femmes. Emmanuel Macron s’est prononcé récemment en faveur du « droit opposable à la garde d’enfants », une mesure qu’avait prônée Nicolas Sarkozy en 2006 pour draguer l’électorat féminin… Sans jamais tenir sa promesse. Le 8 mars dernier, les associations féministes n’ont pas raté l’occasion de dresser un bilan peu flatteur du quinquennat.
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Mais la plupart d’entre elles joueront le « front républicain. » L’inquiétude vient d’ailleurs. Du côté de Marine Le Pen qui laboure le terrain pour convaincre un électorat féminin populaire. Elle parle répression et utilise bien sûr la question des droits des femmes pour taper sur les étrangers, mais pas seulement. Elle veut que figure l’inscription des « harceleurs de rue » au fichier des délinquants sexuels et souhaite « l’expulsion des étrangers qui se livrent à ces pratiques outrageantes ». La candidate du Rassemblement National qui a adouci son image avec des chatons joue la carte de la mère qui a, elle-même, élevé seule trois enfants, affirme vouloir « porter davantage d’attention aux familles monoparentales » en proposant, notamment, « un doublement de l’allocation de soutien familial. » Elle se prononce aussi pour la contraception gratuite…
En assurant qu’Eric Zemmour ne ferait pas partie de son gouvernement en cas de victoire, elle achève de dédiaboliser son image en se coupant des branches masculinistes extrêmes… Mais elle reste la dirigeante d’un parti d’extrême droite et aucun.e dirigeant.e d’institut de sondage ne peut, à ce jour, exclure qu’elle puisse l’emporter le 24 avril.
Elles et ils sont même de plus en plus nombreux à penser que Marine Le Pen pourrait gagner si le front républicain ne tient pas, comme le dit Emmanuel Négrier, docteur en sciences politiques, directeur de recherche au CNRS et chercheur au Centre d’Études Politiques de l’Europe latine (CEPEL) à l’Université de Montpellier.
