Laura demande au président de la République pourquoi il nomme des hommes accusés de viol. Le lendemain, les gendarmes viennent dans son lycée lui parler. Les enseignants rappellent les principes républicains appris à l’école.
« Vous mettez à la tête de l’État des hommes qui sont accusés de viol et de violences sur les femmes, pourquoi ? S’il vous plaît répondez-moi » Lorsque Laura, 18 ans, a posé cette question à Emmanuel Macron en visite à Gaillac dans le Tarn le 9 juin dernier, elle ne s’attendait probablement pas à un tel buzz. Le président de la République, visiblement agacé, lui a adressé la réponse habituelle sur « la présomption d’innocence » et a tourné les talons. Puisqu’elle n’avait pas obtenu de réponse, des internautes ont posé la même question des milliers de fois sur les réseaux sociaux avec le mot dièse #laquestiondeLaura… l’histoire aurait pu s’arrêter là.
Mais le lendemain, une dizaine de gendarmes se sont rendus au lycée Victor-Hugo de Gaillac où la jeune fille prépare le Bac et ont demandé à la voir. La lycéenne dit au Parisien avoir trouvé cette visite « intimidante ». « J’étais en cours d’espagnol quand, autour de 11 h 30, la proviseure adjointe est venue me chercher pour parler. À l’extérieur du cours, elle m’a demandé si j’acceptais de parler à des gendarmes », a-t-elle confié au journal. Mais elle a trouvé leur intervention « ambiguë ». Selon ses dires, les gendarmes ont d’abord parlé de l’agression sexuelle dont Laura avait dit avoir été victime dans le RER il y a quatre ans. Et « on est rapidement venu à l’échange avec Emmanuel Macron. Ils m’ont demandé ce que j’avais voulu faire, alors je leur ai dit que je voulais poser telle question, etc. Puis la gendarme m’a dit : C’était pas à faire. Son collègue a ajouté que si j’avais voulu interpeller le président de la République, alors j’aurais dû passer par des voies hiérarchiques, en écrivant à l’Élysée. »
Les gendarmes ont ensuite rétropédalé dans un communiqué et ont expliqué avoir « simplement voulu prendre en compte cette personne, qui s’était présentée comme victime, pour lui proposer de recueillir une éventuelle plainte ».
Dans son communiqué, la gendarmerie du Tarn présente des excuses : « Nous tenons à nous excuser auprès d’elle si notre démarche d’aller à sa rencontre au lycée pour échanger a été mal perçue et qu’elle considère que nous avons été maladroits ».
Laura a eu l’impression que les gendarmes étaient venus « à la demande de quelqu’un ». Et depuis, un article de la Dépêche du Midi, publié en janvier dernier tourne sur les réseaux sociaux : l’annonce de la nomination du préfet du Tarn, arrivé en février dernier. Il s’agit de François-Xavier Lauch, ancien chef de cabinet d’Emmanuel Macron puis directeur de cabinet adjoint de Gérald Darmanin. Il avait notamment fait parler de lui pendant l’affaire Benalla. En ce week-end électoral, cette affaire était du pain béni pour l’opposition à la majorité présidentielle.
Plus sérieusement, ce lundi, les personnels du lycée Victor-Hugo de Gaillac ont tenu à rappeler des principes républicains essentiels. Dans une déclaration publiée sur Twitter, les enseignants ont déploré, de la part de la gendarmerie, une demande à laquelle il était difficile, pour la direction de l’établissement, de s’opposer. Demande transformée en intimidation. « Intimidation d’autant moins supportable qu’elle se produit à l’intérieur même de l’enceinte du lycée ». Ils rappellent que l’école publique est « le creuset des principes républicains dont la liberté d’expression », « la mission première de l’école est d’être un lieu de formation du citoyen et de l’esprit critique, un lieu d’émancipation et de réflexion, elle ne doit en aucun cas faire l’objet d’une instrumentalisation de la part d’un quelconque pouvoir ». Leur déclaration se termine par une citation de Jean Zay : « les écoles doivent rester l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas »
Lire aussi dans Les Nouvelles News
NOUVEAU GOUVERNEMENT « EN MÊME TEMPS » CRITIQUÉ