C’est l’appel le plus unitaire depuis qu’a éclaté l’affaire DSK, il y a six mois. Des dizaines d’associations et syndicats s’associent à une manifestation nationale contre les violences faites aux femmes, samedi 5 novembre à Paris. Les organisatrices espèrent 10 000 personnes dans le cortège entre la Bastille et Matignon, pour « réaffirmer que la lutte contre les violences faites aux femmes est une lutte première pour atteindre l’égalité réelle entre les femmes et les hommes » et pour porter une série de revendications. Entretien avec Suzy Rojtman, du Collectif national pour les droits des femmes (CNDF), à l’initiative de cette manifestation. (Lire l’appel sur le site du CNDF)
Cette manifestation s’inscrit dans un contexte particulier. Cette année 2011 a été marquée par plusieurs affaires et un déferlement médiatique…
Et la balance ne penche pas forcément du côté des victimes ?
C’est justement pour faire pencher le rapport de force du bon côté que nous organisons cette manifestation. Parce que les féministes se sont mobilisées jusque là de façons très diverses par rapport à ces affaires et aux propos sexistes ; par des rassemblements (3), des communiqués de presse, même des livres (4). Ce sont des réactions tout à fait positives, mais nous sentions qu’il était nécessaire de riposter de façon forte et unitaire. Nous portons des revendications fortes, préparées sur le long terme, et nous espérons être reçues à Matignon à l’issue de la manifestation.
L’appel souligne : « Nous réaffirmons que les violences sexuelles ne sont pas du domaine du privé, du domaine de la drague et de la séduction ». Et demande des lois « ambitieuses et pleinement mises en œuvre »…
Le 9 juillet 2010 était adoptée une énième loi concernant les violences faites aux femmes (5). Cette loi, nous l’avons arrachée, elle ne nous satisfait pas totalement mais nous sommes très soucieuses de son application effective. Car un an après, nous constatons de fortes disparités selon les départements. Par exemple en Seine-Saint-Denis, où il y a depuis longtemps du travail sur les violences faites aux femmes par le biais d’un observatoire départemental, la loi est appliquée de façon satisfaisante. Mais dans d’autres départements, c’est un peu la misère. Et au-delà de ce qui existe, l’appel unitaire demande une loi cadre contre les violences faites aux femmes, comme en Espagne.
La question du prescription des agressions sexuelles a resurgi plus récemment (6). L’appel n’y fait pas référence…
Nous n’avons pas abordé cette question dans le cadre de la préparation de la manifestation. Contrairement à d’autres associations, nous ne pensons pas au CNDF que l’allongement du délai de prescription serait une mesure efficace. A l’heure actuelle, la justice ne sait pas, ne veut pas, pour des affaires de violences sexuelles, traiter des plaintes tardives. On ne voit pas en quoi l’allongement du délai de prescription permettrait un meilleur traitement. On serait toujours confronté au problème des preuves, des témoignages…
En revanche, nous réclamons la création de tribunaux spécialisés dans les affaires de violences à l’encontre des femmes, comme ils existent Espagne. Avec des magistrats spécialement formés. Cela se justifie par l’importance numérique de ce type d’affaires, et par leur complexité.
Départ de la manifestation à Paris samedi 5 novembre à 14h30 place de la Bastille.
Appel à retrouver sur Facebook.