En 2012 encore, aucun des personnages les plus importants de la République ne devrait être une femme.
Le tweet assassin de la compagne du président de la République contre Ségolène Royal et le sondage qui a suivi ont fait tomber la perspective de voir une femme présider l’Assemblée Nationale. Depuis que quelques femmes ont acquis assez d’expérience pour briguer les plus hautes fonctions, elles donnent l’impression de faire de la figuration, puis d’être ralenties juste avant la ligne d’arrivée. La présidence de la République a échappé à Ségolène Royal puis à Martine Aubry pour plusieurs raisons… Le manque de soutien de leurs camarades de parti pesant lourd dans leurs défaites.
La présidence du Sénat a échappé à Catherine Tasca sans que cela ne fasse le début d’un commencement de polémique, alors que l’ancienne ministre avait bien plus d’expérience que Jean-Pierre Bel. Mais c’est la proximité de ce dernier avec le candidat François Hollande qui a primé dans la décision de présenter sa seule candidature pour le PS.
Aujourd’hui, c’est le perchoir qui semble se dérober sous les escarpins. Déjà, des candidats masculins piaffent, comme Jack Lang, parachuté en Moselle (ici avec Manuel Valls et le strauss-kahnien Christian Pierret).
Timide soutien des féministes
Même les féministes sont allées piano sur le soutien à la candidate. Seule l’Assemblée des femmes a envoyé un communiqué, dans lequel Yvette Roudy, ancienne ministre des droits des femmes et Danièle Bousquet, députée, regrettent que « le candidat de gauche arrivé en deuxième position décide de ne pas se désister » en faveur de Ségolène Royal… « cette décision est un nouveau coup porté à la parité. »
Du côté du Laboratoire de l’égalité ou d’Osez le féminisme, qui ont pourtant organisé une pression patiente et intense pour que le gouvernement soit paritaire… rien cette fois-ci. L’affaire est trop délicate. Ces associations sont apolitiques et ne veulent pas se prononcer en faveur d’une personne en particulier et ou entrer dans une affaire privée. Et puis le risque d’accuser les femmes de se mettre en position de victime est toujours là… Bref, pas facile de batailler sur le sujet.
Du coup, c’est un argument discutable qui est avancé ici ou là pour ne pas la défendre : c’est une parachutée… Présidente du Conseil régional de Poitou-Charentes, elle a pourtant choisi de se présenter dans une circonscription des Charentes-Maritimes dans laquelle le député sortant ne se présentait pas, donc réservée à une femme. Elle y a été désignée par le PS, et la discipline du parti veut que chacun respecte les désignations même s’il y a toujours beaucoup plus de frustrés que de candidats désignés… Et d’autres parachutages sont largement critiquables, comme celui de Christophe Borgel qui s’auto-désigne sur une circonscription réservée à une femme sans que cela n’émeuve grand monde.
Accord impossible ?
Olga Trostiansky, membre fondatrice du Laboratoire de l’égalité et présidente de la Clef (Coordination pour le lobbying européen des femmes) ne veut s’exprimer qu’en tant que socialiste (elle est adjointe PS au maire de Paris). « Je soutiens Ségolène Royal, c’est la candidate de mon parti, c’est une grande dirigeante politique. Le PS a su trouver des solutions pour que nombre de figures comme Jack Lang, Elisabeth Guigou ou Benoît Hamon aient de sérieuses chance d’aller à l’Assemblée. Il serait vraiment surprenant qu’il n’en fasse pas autant pour Ségolène Royal… » Il doit en effet y avoir un terrain d’entente à trouver avec Olivier Falorni à La Rochelle comme il y en a eu – ou pas – avec les autres candidats que d’autres parachutés ont frustré.
Surexposée aux critiques
Mais la personnalité controversée de Ségolène Royal rend sa défense difficile. Complexe à assumer aussi, le fait que chacun de ses faux pas ait été commenté, moqué beaucoup plus que ceux d’un homme. Souvenons-nous par exemple du mot « bravitude » qui a déchaîné des torrents de critiques – y compris dans le camp de la candidate – tandis qu’au même moment, le candidat Nicolas Sarkozy parlait d’« héritation » sans que les commentateurs y voient la preuve d’une incompétence… Un tweet d’Isabelle Alonso qui a beaucoup tourné résumait le malaise ainsi : « Royal, on aime ou pas, mais quel parcours ! Et quel courage ! »…
Avec son côté iconoclaste, la Présidente de Poitou-Charente a pourtant fait avancer les droits des femmes. Elle a été décriée quand elle a créé le « pass contraception », une initiative honnie puis reprise à son compte par l’ancien gouvernement. Elle a été moquée quand elle a fait voter le congé de paternité lorsqu’elle était ministre de la famille en 2002, un congé que beaucoup voudraient voir prolongé aujourd’hui dans un souci d’égalité professionnelle entre hommes et femmes…
