Pendant que le rapport Spinetta fait des remous, la SNCF cherche à prendre un train d’avance sur l’égalité professionnelle entre femmes et hommes et à faire reculer le « sexisme ordinaire ».
« L’escalier se balaie toujours par le haut », écrivait Guillaume Pepy aux débuts de l’affaire Weinstein. Dans une tribune postée sur le réseau LinkedIn le 2 novembre dernier, le patron de la SNCF s’engageait et engageait son entreprise à faire plus et mieux pour lutter contre « le sexisme, les discriminations et le harcèlement ».
La SNCF se veut pourtant l’une des entreprises déjà les plus engagées pour l’égalité professionnelle. Elle prend le problème par les deux bouts de la chaîne du sexisme : opérer un changement culturel en son sein et accompagner les femmes pour qu’elles prennent leur place à tous les niveaux de l’entreprise.
Le groupe SNCF a même décidé de dédier un poste à temps plein à l’égalité femmes-hommes depuis début 2017. C’est Francesca Aceto, présidente du réseau SNCF au féminin, qui est chargée par Guillaume Pepy d’être sur tous les fronts. Cette diplômée de SciencesPo Turin est passée par les chemins de fers italiens avant de rejoindre le réseau ferré français où elle a occupé plusieurs postes de direction.
C’est désormais elle qui devra élargir encore davantage le réseau SNCF au féminin créé il y a six ans et qui compte aujourd’hui 6500 membres, dont 15% d’hommes. Ce réseau a vocation à « faire progresser la mixité et la place des femmes et, par ce biais, porter le changement, l’innovation et les valeurs de progrès social. »
Et la transformation du groupe SNCF ne se limite pas à une transformation de quelques femmes en leaders. Un changement culturel est à l’œuvre. Le réseau propose aux femmes des formations au leadership et des programmes de mentoring. Et pour faire entendre la voix des femmes, SNCF au féminin a par exemple créé un « groupe Expert » qui a proposé de mettre en place des « marches exploratoires » afin d’améliorer la sécurité des femmes dans les transports.
Pour faire reculer le « sexisme ordinaire » qui a tendance à remettre les femmes à la place dont elles essaient de sortir, le groupe SNCF l’a mesuré. À deux reprises, à une année d’intervalle. Entre temps, les actions du réseau SNCF au féminin devaient faire prendre conscience à tous et toutes du chemin à parcourir pour parvenir à l’égalité.
Conclusion : en un an, le niveau de tolérance à ce sexisme ordinaire a baissé ; sans être tombé à zéro, loin de là. Les agents disent entendre moins souvent une femme être interpellée de manière inappropriée : 46 % en 2017 contre 53 % en 2016… Baisse de 7 points aussi pour les remarques sur la tenue ou le physique des femmes, qui restent entendues par 42 % du personnel. Les phrases caricaturant les femmes sont aussi en baisse de 4 points.
Concernant les « comportements discriminatoires », le niveau de témoignages s’érode. 37% des agent·e·s (contre 41 % en 2016) ont entendu des personnes se plaindre de l’absence de femmes pour grossesse ou garde d’enfant, 21% ont vu une femme être culpabilisée en raison de sa parentalité, 20% ont été témoins de discrimination dans l’évolution professionnelle d’une femme en raison de son sexe et 22 % ont vu des femmes être traitées différemment en raison de leur sexe. Sans que l’on sache si les taux sont bas parce que ces discriminations se passent plus souvent à huis clos ou bien si ces discriminations baissent réellement. Dans un cas comme dans l’autre, cela signifie que le niveau de tolérance baisse. Même s’il se trouve encore 22 % des agent·e·s SNCF pour considérer que « les remarques et attitudes sexistes font partie du jeu des relations hommes-femmes en entreprise et ne nuisent pas à l’efficacité des équipes.» Et ce sont les femmes qui acceptent le plus ce prétendu « jeu » !…
Le programme de SNCF au Féminin est donc chargé. Pour faire reculer les stéréotypes et les inégalités, l’entreprise veut être sur tous les fronts. Dès les débuts de l’affaire Weinstein elle a par exemple renforcé ses process de signalement. Elle veut encore augmenter la part des femmes dans ses effectifs. Aujourd’hui, 20,5 % de ses salarié·e·s sont des femmes. Elles représentent 27,8 % des cadres et 25 % du collège cadre supérieur. LA SNCF vise une augmentation de 50 % des recrutements de femmes.
Pour aller plus loin, les ambitions d’égalité affichées par la direction de l’entreprise doivent être mieux « cascadées » en interne. Si près de 90 % des agents estiment que « la direction encourage l’égalité entre les sexes », une femme sur deux et un homme sur trois estiment qu’il reste encore beaucoup à faire. Les prochaines initiatives en faveur de l’égalité vont cibler les managers. Ces derniers affichent une plus faible conscience du sexisme ordinaire que l’ensemble des agents. Le service Ressources humaines devrait donc faire entrer le sujet de l’égalité dans leurs objectifs personnels.