Emmanuel Todd nie l’existence du patriarcat dans l’histoire de France. Les médias l’invitent à répandre ce mensonge en attaquant les féministes. Comme si le déni d’un fait historique était une opinion comme une autre.
Sur n’importe quel autre sujet, un pareil révisionnisme aurait fait l’objet d’un classement vertical dans les rédactions. Un livre d’historien niant une vérité historique aurait atterri dans la corbeille à papier des journalistes. Et l’historien aurait été sermonné par ses pairs. Mais affirmer que « le patriarcat n’a jamais existé en France » ne semble mériter ni mépris des médias, ni rappel à l’ordre. Comme le fait remarquer Francine Sporenda
sur son compte Facebook, personne n’ose nier la réalité de l’esclavage au 19ème siècle pas même le pire des esclavagistes, les plus conservateurs ne nient pas la colonisation, les plus grands capitalistes ne nient pas l’existence du capitalisme. Mais quand l’historien et anthropologue Emmanuel Todd affirme une telle contre-vérité historique -facilement vérifiable en lisant ne serait-ce que l’histoire du Code civil- les médias le prennent au sérieux et lui tendent le micro.
Jeter un pavé antiféministe est l’occasion de faire le show dans les médias pour bien des intellectuels en mal de visibilité. La recette est assez simple pour Emmanuel Todd qui a fait le tour des rédactions avec son dernier livre que nous ne lirons pas. Il a imité ses compères Pascal Bruckner (lire QUAND BRUCKNER FAIT LE TOUR DES MÉDIAS POUR DÉFENDRE L’HOMME BLANC) ou Alain Finkielkraut (lire « ON NE PEUT PLUS RIEN DIRE !» QUAND FINKIELKRAUT PERD LE MONOPOLE DE LA PAROLE) et tant d’autres.
Dès la sortie de son livre, des interviews de l’auguste anthropologue se répandaient dans tous les médias avec des titres comme «Le patriarcat n’a pas disparu en Occident, il n’a jamais existé» (Le Figaro) ou « Le féminisme actuel est une catastrophe pour les milieux populaires » (Le Point) , ou encore : « Dans un grand nombre de domaines, les femmes sont déjà au pouvoir » (l’Express)… Invité sur le plateau de C ce soir, sur France5, l’historien se trouve sur un plateau entouré de personnes qui contredisent ses élucubrations mais aussi d’une personne qui les conforte. Comme si le déni d’un fait historique était une opinion comme une autre.
Et il a tout le loisir de dérouler toutes les idées reçues -reçues parce qu’envoyées par des « intellectuels » de sa trempe- dévoyant le féminisme. Il conspue les féministes « agressives », surtout celles qu’il appelle des « néo-féministes » qui exagèreraient alors qu’elles ne disent rien de très différent de ce que revendiquaient leurs ainées … Il ne se réfère à aucun.e intellectuel.les féministes. Au cours de l’émission C ce soir, il dira même avec mépris qu’il n’a jamais lu un livre de Françoise Héritier…
(lire : FRANÇOISE HÉRITIER, UN MODÈLE DISPARAÎT).
Et pendant que l’historien avait table ouverte dans tous les médias, le colloque « femmes et médias où en est-on ? » réunissait des universitaires, des journalistes et des femmes politiques. Sur la base de faits et de chiffres, nous réfléchissions à la meilleure façon d’en finir avec le sexisme véhiculé par les médias qui « prescrivent le réel » comme l’a dit Marlène Coulomb-Gully. (lire : L’INFORMATION, MIROIR DÉFORMANT SEXISTE DE LA SOCIÉTÉ)
Les petits médias qui tentent de prescrire un réel plus égalitaire ont encore fort à faire. Face aux grands médias qui tentent le micro à Emmanuel Todd, c’est le pot de terre contre le pot de fer (je l’explique dans mon dernier livre ci-contre). Ces grands médias ont été habitués à infuser dans la société une culture patriarcale.
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