Il semble que les moyens importants du « grand emprunt » piloté par Alain Juppé et Michel Rocard seront surtout consacrés à perpétuer un système économique qui a fait les preuves de sa fragilité et de sa non durabilité : industrie subventionnée, travaux publics phénoménaux… Nous avons traversé en trois ans une crise énergétique, une crise financière et une crise économique. Notre modèle de développement vacille. Et voilà qu’aujourd’hui, cet emprunt national, supposé assurer des investissements d’avenir, applique les recettes du passé. Il n’est question que d’investissements industriels et de bataille de chiffres sur son montant.
quand le nombre de mal logés explose : 3,5 millions de mal logés, selon la Fondation Abbé-Pierre, sans compter les 6,5 millions de personnes en fragilité par rapport au logement ;
quand l’intensité de la pauvreté s’accroît, comme le montre l’Observatoire national de la pauvreté ;
quand l’illettrisme progresse : 9% des 18-65 ans, selon l’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme ;
quand la souffrance au travail s’exprime par des suicides ;
quand notre société, faute d’inventer de nouveaux modèles, propulse des familles monoparentales, de plus en plus nombreuses, dans l’extrême pauvreté ;
quand, au-delà de ces drames humains, ce délitement du lien social plonge nos comptes sociaux dans le rouge…
Pour la promotion de la dignité et l’accès de tous et toutes à l’emploi, la meilleure répartition des logements sociaux me semble être prioritaire. La région Ile -de-France, par exemple, manque cruellement de logements sociaux à proximité des gisements d’emplois. Nous sommes sur un territoire riche. Il n’est pas question de créer de nouvelles « ZUP» mais de favoriser la mixité sociale et générationnelle qui favorise l’intelligence économique et le développement humain. Il faut repenser la garde des enfants en bas âges pour éviter à de jeunes parents, des femmes le plus souvent, d’être acculés à quitter leur emploi et risquer l’exclusion sociale durable.
Cela nécessite la création de structures ad hoc. Et une adaptation du monde du travail qui doit considérer l’enfant comme une richesse et non comme un poids rendant le parent salarié moins disponible. Il faut investir dans la formation tout au long de la vie pour que chacun puisse s’adapter à un monde économique en perpétuel changement. Tant qu’on laissera sur le bord de la route les plus fragiles et les moins instruits, les risques de voir s’accroître la pauvreté et la délinquance seront réels. Il faut en finir avec les métiers précaires, ceux du service à la personne notamment, tellement aléatoires qu’ils privent d’avenir ceux et, plus souvent, celles qui les exercent.
La reconnaissance de ce travail à sa juste valeur ferait gagner à la France plusieurs points de PIB, avec à la clef des emplois, le financement de la protection sociale, et un net recul de la pauvreté. Négliger ces investissements a un coût humain bien sûr mais aussi social et économique et obère sérieusement l’avenir de notre pays. Trop compliqué, trop sociétal, impossible à changer très vite ?
*Clef : Coordination pour le lobby européen des femmes