Halte là ! Un Viagra pour elles bouleverserait l’équilibre de la société, s’inquiètent des scientifiques. Moulinex peut « libérer » les femmes, mais pas question de libérer leur désir sexuel.
Lorsque le Viagra pour les hommes a fait son apparition à la fin du dernier millénaire, la nouvelle fut accueillie avec des cris de victoire par les journaux, la communauté scientifique et les faiseurs d’opinion. Ce n’était que congratulation et promesse de plaisirs infinis. Les médias ne parlaient que de la « pilule du bonheur », de la gélule miraculeuse. L’ambiance était aux superlatifs.
2013 : une telle pilule miracle, pour les femmes cette fois-ci, commence à faire parler d’elle. Elle pourrait être commercialisée en 2016. Elle n’est pas encore tout à fait au point mais… Changement d’ambiance. La pilule en question s’appelle « Lybrido ». « On a l’impression d’entendre ‘débridé’ et ‘libido‘ », écrit Marion Desgeorges sur Slate.fr. Point de hourras, pas de unes dithyrambiques dans vos journaux. Les scientifiques qui se sont exprimés pilent net devant une possible libido débridée des femmes.
Interviewé par le New York Times, le Dr Andrew Goldstein, qui participe aux tests, dit avoir observé chez plusieurs confrères la crainte de voir les femmes transformées en nymphomanes. Paradoxal et, encore une fois, très loin des réactions au Viagra pour hommes. « Plusieurs consultants de l’industrie pharmaceutique m’ont dit que les sociétés craignaient que les résultats de leur étude soient trop forts et que la FDA (Food and Drug Administration) ne rejette leur produit. Elle pourrait estimer que la substance risque de conduire à des excès sexuels, des adultères en pagaille, et à une fracture sociale », écrit Daniel Bergner qui signe l’article du New York Times (article adapté de son livre à paraître What Do Women Want? Adventures in the Science of Female Desire).
Nous y voilà donc. La libido des femmes bouleverserait les équilibres de la société, comme la contraception, explique Daniel Bergner. La pilule a modifié le statut social et le pouvoir d’achat des femmes (et certains, comme Roman Polanski, ne la digèrent toujours pas). Transformer de sages mères de famille en nymphomanes prêtes à faire exploser la cellule familiale pourrait chambouler bien des choses. Et ça, pas question. Que Moulinex « libère la femme » en lui donnant un aspirateur ou un robot, histoire d’allonger un peu la laisse qui la relie à ses « obligations familiales », oui. Mais une pilule pour libérer sa libido… faut voir.

