Le témoignage de Flavie Flament relance le débat sur la prescription des crimes sexuels commis contre les mineurs. Alors que le Sénat vient de rejeter un allongement du délai de 20 à 30 ans.
« Mon bourreau est inattaquable, moi je vivrai avec ça jusqu’à la fin de mes jours », témoignait Flavie Flament le 16 octobre dans le JDD. Dans un livre, La Consolation, l’animatrice témoigne du viol que lui a fait subir un photographe de renom quand elle avait 13 ans. Un souvenir qu’elle a longtemps enfoui, si bien que le délai de prescription est aujoud’hui dépassé. Il est trop tard pour qu’elle porte plainte. En effet, pour les crimes sexuels sur mineurs, le délai de prescription est de 20 ans à partir de la majorité – jusqu’à l’âge de 38 ans, donc.
Ce témoignage vient rappeler que ce délai de prescription doit être allongé, pour « que le passage du temps cesse de protéger les agresseurs », écrivent Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, Elisabeth Moiron-Braud, magistrate, et Ernestine Ronai, responsable de l’Observatoire départemental des violences envers les femmes en Seine-Saint-Denis, dans une tribune parue lundi 24 octobre dans Libération. « Il faut permettre aux victimes de saisir la justice jusqu’à leurs 48 ans, contre 38 ans actuellement. » Donner plus de temps pour trouver le courage de parler, ou pour s’extraire du choc qui peut conduire à une amnésie post-traumatique.
La question, sensible, est régulièrement portée devant les parlementaires, sous différentes formes. Le Sénat avait adopté, fin mai 2014, un allongement de 10 ans le délai de prescription pour les viols et agressions sexuelles commis sur les mineurs ou les personnes vulnérables… mesure que l’Assemblée nationale avait finalement rejetée sept mois plus tard.
Plus de différence entre adultes et enfants
Et c’est le Sénat pas plus tard que le 13 octobre dernier, qui a cette fois dit non à cet allongement, dans le cadre d’une proposition de loi « portant réforme de la prescription en matière pénale ». Le texte porte de 10 à 20 ans le délai de prescription pour les crimes sexuels commis contre des personnes majeures. Mais pour les mineures, le délai de 20 ans après la majorité actuellement en vigueur restera le même.
Un amendement de Chantal Jouanno prévoyait bien de le porter à 30 ans. « Comment comprendre que l’on traite exactement de la même manière des crimes sexuels commis sur des adultes et des crimes sexuels commis sur des mineurs quand on voit les conséquences sur les enfants ? Comment comprendre que la France ait jusqu’à présent jugé nécessaires des délais de prescription différents entre adultes et mineurs et que ce ne soit plus le cas aujourd’hui ? », interrogeait Chantal Jouanno.
Mais la sénatrice n’a pas obtenu gain de cause (Lire ici les débats). La commission des Lois du Sénat, tout comme le gouvernement, s’étaient déclarés défavorables à cet amendement. « Le délai de vingt ans pour les délits les plus graves commis sur les mineurs est suffisant au regard à la fois du report du point de départ à la majorité des victimes et de la difficulté qu’il y aurait à juger ces affaires trop longtemps après la commission des faits », estimait le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas .
La question n’est pas close pour autant. « Il faut y réfléchir », estimait le 19 octobre la secrétaire d’État chargée de l’Aide aux victimes Juliette Méadel. Le texte doit désormais être examiné en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Fin septembre, la Californie est allée encore plus loin en rendant imprescriptibles l’ensemble des viols. Pour les parlementaires français, c’est hors de question. Des délais de prescriptions couvrent tous les crimes, à l’exception d’une catégorie : ceux contre l’humanité.