Un rapport du Haut conseil à l’égalité dénonce les failles d’une justice qui échoue à punir les auteurs de violences sexuelles et à protéger les victimes. Il formule 61 recommandations.
153.000 personnes majeures déclarent avoir subi un viol en une année en France. Pourtant, seulement 19.155 plaintes ont été déposées en 2023 : à peine une victime sur huit. Et 2.465 affaires ont été renvoyées devant une juridiction. Au final, 636 condamnations en Cour d’assises ont été prononcées, soit 3,3 % des plaintes déposées et 0,4 % des victimes déclarées seulement. Et la situation est loin de s’améliorer. Entre 2016 et 2024, les plaintes pour viol sur personne majeure ont été multipliées par trois, alors que les « condamnations pour viol ont faiblement augmenté, de 30 % seulement. »
Ces données sont issues du rapport du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE) publié ce 24 septembre. Son titre est ambitieux : « Mettre fin au déni et à l’impunité face aux viols et aux agressions sexuelles ».
Le HCE, aujourd’hui présidé par l’ex-ministre en charge des Droits des femmes, Bérangère Couillard, met en exergue des données connues de longue date du mouvement féministe. Il dénonce un système qui « échoue massivement à reconnaître, prévenir, poursuivre et sanctionner les viols et agressions sexuelles ». Et formule 61 recommandations, dont on ignore la destination en cette période d’attente de nouveau gouvernement.
Une justice qui « manque à ses devoirs »
Le rapport analyse les causes de l’échec des pouvoirs publics : accueil dissuasif dans les commissariats, procédures longues et éprouvantes, manque d’unités médico-judiciaires, coûts élevés pour les victimes… justice saturée. Résultat : impunité pour les violeurs, et abandon des victimes.
Le HEC l’écrit sans détour : « La justice française continue de manquer à ses devoirs les plus élémentaires : garantir la protection des victimes et la condamnation des agresseurs. »
Il pointe les biais misogynes de magistrats et enquêteurs, ainsi qu’une tendance à instrumentaliser la présomption d’innocence comme « prétexte à l’inaction et à l’immobilisme ». Trop d’institutions attendent la fin d’une procédure pénale – parfois des années – pour agir sur le plan administratif ou disciplinaire.
Une culture du viol persistante
Au-delà des institutions, le HCE insiste : « La culture du viol imprègne encore largement notre société, en invisibilisant les violences et en culpabilisant les victimes. »
Minimisation des faits, mise en doute systématique de la parole des victimes, pressions sociales : autant de mécanismes qui alimentent le silence et le non-recours à la justice.
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La justice française est d’ailleurs de plus en plus souvent condamnée par la Cour européenne de justice pour des manquements et pour victimisation secondaire.
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61 recommandations pour changer de cap
Pour « mettre fin au déni », le rapport formule 61 recommandations. Parmi lesquelles :
- la formation obligatoire de tous les professionnel·le·s (justice, santé, éducation, police) ;
- le renforcement des unités médico-judiciaires sur tout le territoire ;
- la mise en place de parcours simplifiés et coordonnés pour les victimes ;
- l’ouverture de procédures disciplinaires indépendamment du pénal ;
- une obligation de résultats pour l’État ;
- l’éducation dès le plus jeune âge pour déconstruire les normes sexistes.
« Un impératif démocratique »
En conclusion, le HCE affirme : « L’impunité des violences sexuelles n’est pas une fatalité. Y mettre fin est un impératif démocratique. »
Alors que les associations de terrain alertent depuis des années sur la faiblesse de la réponse judiciaire, le Haut Conseil somme l’Etat de ne plus se contenter d’afficher des moyens, mais de garantir la justice pour les victimes.
Il est appuyé par le mouvement associatif et La Coalition pour une loi intégrale contre les violences sexuelles qui réitère son appel.
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