Depuis que des historiennes ont leur mot à dire, la préhistoire n’est plus écrite à moitié. Les femmes des cavernes partent à la chasse.
« Non, les femmes préhistoriques ne consacraient pas tout leur temps à balayer la grotte et à garder les enfants en attendant que les hommes reviennent de la chasse. » écrit la Préhistorienne et directrice de recherche au CNRS, Marylène Patou-Mathis, spécialiste de Neandertal dans son essai L’Homme préhistorique est aussi une femme, (Allary Editions, 1er octobre 2020).
Au même moment, le paléoanthropologue Pascal Picq, maître de conférences au Collège de France publie un ouvrage sur le même thème, Et l’évolution créa la femme (Odile Jacob, 21 octobre 2020). France Culture parle alors de «démarche inédite» : il « ouvre de nouvelles perspectives quant aux données que l’on a actuellement sur la situation des femmes […] au temps de la préhistoire. » Et Pascal Picq est invité par de nombreux médias.
Mais alors est-ce vraiment une approche inédite ? La semaine précédent cette émission, France Culture présentait pourtant le livre de Marylène Patou-Mathis, publié avant celui de Pascal Picq. Et encore avant, la philosophe et historienne Claudine Cohen publiait, dès 2003, un ouvrage couronné par l’Académie des sciences morales et politiques, La femme des origines, images de la femme dans la préhistoire occidentale (Belin Herscher, 2003). Puis en 2016, Femmes de la préhistoire (Belin, 2016). Sans compter toutes ses années de recherche et ses autres publications sur le sujet.
Pis encore, dans Le Deuxième sexe, Simone de Beauvoir évoquait dès 1949 la place de la femme dans la préhistoire : « La domination masculine date-elle vraiment d’hier ? N’est-on pas aujourd’hui plus archaïques, de ce point de vue, qu’à la préhistoire ? » La question se pose vraiment.
Encore une fois, les femmes sortent de l’invisibilité quand des hommes commencent à parler d’elles. Jusque dans les années 60, la préhistoire était effectivement une affaire d’hommes. Puis la féminisation du métier d’archéologue et l’avancée des moyens de recherches scientifiques ont permis de sortir la femme de sa grotte et de la montrer telle qu’elle était, elle aussi un chasseur.
La femme préhistorique évolue au gré des mœurs contemporaines
L’imaginaire collectif selon lequel la femme attendait au fond de la grotte pendant que l’homme partait chasser est un héritage du 19ème siècle, des clichés des premiers préhistoriens, des premiers savants qui ont dépeint la femme préhistorique sur le calque de leurs pensées de ce qu’était la femme moderne. L’illustration de la femme dans la préhistoire n’évoluera pas avant les années 60. Claudine Cohen explique même qu’au 20ème siècle c’est toujours le même rapport qui est présenté, avec une légère évolution : l’homme préhistorique maltraite sa femme et la tire par les cheveux. Il semblerait donc que l’illustration de la femme préhistorique évolue au gré des mœurs contemporaines.
Pourtant, le travail de Marylène Patou-Mathis, montre qu’il n’y avait pas de division sexuée du travail. S’il est vrai que la question de la preuve dans la préhistoire est très difficile, car il s’agit de petites traces, de petits indices, à partir desquels il faut reconstituer des mondes immenses, il n’existe aucune preuve tangible montrant que la femme jouait exclusivement un rôle de gardienne du foyer.
Au gré des recherches et des avancées scientifiques, bien des erreurs ont été commises. Des identifications de corps basées sur des préjugés. Plusieurs fossiles ont ainsi changé de sexe. Sur la supposition que les femmes avaient des corps plus petits, plus fins. Qu’un corps entouré d’offrandes soit forcément celui d’un homme. Aujourd’hui l’ADN a pu contredire bien des affirmations. La chercheuse explique même que les corps des femmes préhistoriques étaient parfois tout aussi robustes que les corps de certains de nos athlètes contemporains.
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