Compétences non reconnues, surcharge de travail, petits salaires… les sages-femmes paient cher le fait d’être « des femmes qui prennent soin d’autres femmes ». Leur combat pour être reconnues est un combat féministe.
« Sages-femmes méprisées, santé des femmes en danger », « on vous a fait naître, il faut nous reconnaître », « Trop sage, trop femme »… les pancartes qui fleurissent en cette matinée ensoleillée à Paris-Montparnasse sentent l’amertume. Les sages-femmes sont à nouveau en grève et manifestent ce 7 octobre. Leurs revendications depuis une vingtaine d’années se suivent, se ressemblent et passent toujours au-dessus des oreilles de ceux qui gouvernent.
Elles réclament d’abord un statut à la hauteur de leurs études, de leurs compétences et de leurs responsabilités. Elles font une première année de médecine et obtiennent leur diplôme après cinq ans d’études, comme les dentistes par exemple mais leurs salaires et statuts sont plus proches des professions para-médicales que des professions médicales. Côté responsabilités, elles assurent la surveillance et le suivi médical de la grossesse, la surveillance du travail et de l’accouchement, prescrivent les vaccinations du nouveau-né. En dehors des grossesses, elles assurent le suivi gynécologique de prévention, prescrivent la contraception et peuvent pratiquer des IVG médicamenteuses. Mais leur statut reste peu clair entre para-médical et médical.
Le métier est tellement difficile que les recrutements sont de plus en plus compliqués. Elles ont tiré la sonnette d’alarme au début de l’été. Celles qui restent dans les hôpitaux sont sur chargées et craignent de mettre en danger la vie des femmes.
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Les sages-femmes réclament, outre une augmentation de salaire et d’effectif, un statut de praticien hospitalier et non « un statut à part », une 6e année d’études car, au fil du temps, leurs compétences s’étendent (en 2009, le suivi gynécologique, en 2016 la pratique des IVG médicamenteuses et bientôt les IVG chirurgicales…)
Le combat des sages-femmes est un combat féministe.
Et surtout, elles veulent en finir avec ces humiliations qui sentent le patriarcat. Sage-femme est par exemple la seule profession médicale à être soumise à une « liste de prescription » quand l’ensemble des professions médicales peuvent prescrire selon leur champ de compétence. Alors que près de 80% des accouchements sont réalisés par les sages-femmes en totale autonomie, sans intervention du gynécologue, leur statut ambivalent -profession médicale gérée comme des para-médicales à l’hôpital – ne change pas.
Elles se battent contre le mépris d’une profession de femmes (97 % des 24000 sages-femmes) qui prennent soin d’autres femmes. Un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) est venu remettre une couche de patriarcat dans la profession. Claudine Schalck, sage-femme et docteure en psychosociologie du travail a décortiqué ce rapport et s’insurge dans une tribune publiée dans le Monde. : « par la voix des gynécologues, une vision masculine du monde s’y dévoile avec éclat lorsqu’il est écrit : « Toutefois, les gynécologues représentent l’autorité médicale, intellectuelle et morale, construisent les connaissances sur la grossesse et les accouchements et définissent le principe de fonctionnement des maternités ». » Tout un programme… En une phrase, il faut comprendre que les sages-femmes seraient des exécutantes. Comme pour tous les métiers et fonctions assignés aux femmes, le travail qu’elles effectuent est perçu comme n’ayant que peu de valeur.
Génération écologie, le parti présidé par Delphine Batho, apporte son soutien au mouvement des sages-femmes parce que « Les sages-femmes mènent une lutte féministe qui nous concerne toutes et tous : cette profession est celle qui permet l’exercice concret des droits sexuels et reproductifs des femmes. »… « Soutenir les sages-femmes dans leur combat, c’est faire le choix d’un projet de société de pleine santé pour les femmes et les nouveau-nés. Soutenir cette lutte, c’est soutenir l’émancipation des femmes. »
Côté salaire les sages-femmes ont, certes, fini par obtenir une prime de 100 euros brut et une hausse de salaire de 100 euros net par mois. Soit 180 euros net, qui s’ajoutent aux 183 euros prévus par le Ségur de la santé. Mais elles restent très loin des salaires de praticiens hospitaliers et très loin de ce que préconisait un rapport de l’IGAS (600 euros). Des siècles de patriarcat à rattraper !
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Entre autres messages, les sages-femmes ont créé ce clip émouvant au titre évocateur : « reconnais-moi ! »