Si Gisèle Pélicot est saluée partout dans le monde pour son courage, le procès « des viols de Mazan » a donné lieu à des peines inférieures aux réquisitions. Et la loi intégrale de lutte contre les violences sexuelles réclamée par la Coalition féministe ne se profile toujours pas.
Le verdict est tombé et il laisse un goût amer. Le procès historique des « viols de Mazan» contre un mari qui a violé et a fait violer sa femme par d’autres hommes en la rendant inconsciente a donné lieu à des peines inférieures aux réquisitions.
Peines faibles
Certes, le mari, Dominique Pelicot, a été condamné pour « viols aggravés» à vingt ans de réclusion criminelle, assortie d’une période de sûreté des deux tiers, conformément aux réquisitions du ministère public. Mais pour les 50 co-accusés, la cour a prononcé des peines allant de trois à quinze ans de prison pour les faits de viols, et d’un an ferme pour les atteintes sexuelles. Soit des peines inférieures à la peine moyenne pour viol.
« Nous partageons l’incompréhension et la déception face à certaines des peines prononcées, malgré les témoins et les preuves, des peines en dessous des réquisitions pour les faits de viols aggravés » écrit la Fondation des femmes.
Pas de changement politique
Déception aussi parce que, malgré le retentissement mondial de ce procès, malgré une forte mobilisation féministe, malgré une importante sensibilisation du public sur les violences sexistes et sexuelles, ceux qui ont le pouvoir de changer la politique pour en finir avec l’impunité des violeurs n’ont rien fait, rien dit.
Alors que sur bien des sujets de délinquance, les dirigeants politiques s’emparent de n’importe quelle affaire pour faire évoluer des lois, sur cette affaire, ils ont été aux abonnés absents.
Toute la classe politique s’est précipitée, mercredi 19 décembre après l’annonce des condamnations, pour féliciter Madame Pélicot, saluer son courage, envoyer des messages d’admiration… sans voir les failles béantes du système qui a laissé se produire l’horreur qu’elle a subie. Pire, ces responsables politiques ne sont pas loin de laisser entendre qu’il est urgent de ne rien faire. L’ex-premier ministre Gabriel Attal a, par exemple, publié un communiqué satisfait de voir que « la honte a changé de camp »…
Retournement de honte
Mais ce n’est certainement pas grâce à lui ni à ses amis politiques. C’est grâce à la victime, Gisèle Pelicot et à toutes celles et ceux qui sont venu.es la soutenir. Elle avait refusé le huis-clos pour lever le tabou sur les violences sexuelles et faire savoir que ce n’était pas aux victimes de violences sexuelles d’avoir honte. « Je comprends que les victimes de viol ne portent pas plainte » a-t-elle affirmé, dès le début du procès. Elle aussi a dit à plusieurs reprises se sentir humiliée, se sentir en position d’accusée.
Tant que ces pratiques de victimisation secondaire par les tribunaux continueront, la « culture du viol » pourra prospérer. Rien ne dit que toutes les victimes de violences sexuelles seront mieux traitées désormais.
Contre les violences sexuelles, appel à une loi intégrale
Certes, le procès Pélicot, historique, a probablement permis que « la honte change de camp ». Surtout du côté des victimes qui ouvrent les yeux sur des situations qu’elles croyaient jusqu’ici acceptables. Mais ce n’est pas le grand soir, il n’est pas certain que le changement de camp de la honte soit valable dans toutes les têtes. La lutte contre les violences sexuelles est une vaste entreprise qui demande des moyens. C’est ce que réclame à nouveau la Coalition pour une loi intégrale.
Lire : Loi intégrale contre les violences sexuelles cherche volonté politique
Cette coalition a présenté, il y a quelques jours, 140 recommandations pour une loi-cadre. Un projet réfléchi, documenté et très abouti… Mais les responsables politiques qui félicitent aujourd’hui Madame Pélicot ne s’en sont pas emparés.