Un cas de « maltraitance institutionnelle », « des méthodes vraiment nouvelles ». C’est ainsi que la Défenseure des enfants, Dominique Versini, évoque la suppression prochaine de son institution, décidée par le Gouvernement, dans une interview accordée aux Nouvelles NEWS.
Selon un projet de loi adopté le 9 septembre en Conseil des ministres, le Défenseur des enfants sera remplacé dans quelques mois par un Défenseur des droits, qui englobera ses prérogatives, celles du Médiateur de la République et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Une mutation motivée par une volonté de « cohérence » et de « lisibilité », explique le Gouvernement.
Dominique Versini a découvert le texte avec stupéfaction, elle qui n’a jamais été consultée sur la question. La Défenseure des enfants s’insurge contre une décision prise « arbitrairement et sans aucune concertation », et qui « marque un recul dans le respect des droits fondamentaux des enfants ». En fait de lisibilité, elle craint au contraire que les enfants (ou leurs parents) s’adressent moins facilement à un interlocuteur qui n’aura pas une compétence visible et spécialisée.
Autre crainte : que le champ d’intervention du futur Défenseur des droits soit limité par le droit français. Et ne puisse plus tenir compte des textes internationaux, comme la Convention internationale des droits de l’enfant. Dominique Versini voit là un autre recul. A vrai dire, sur ce sujet le projet de loi manie plutôt le flou. S’il ne fait effectivement aucune référence aux textes internationaux, il ne se réduit pas non plus au champ législatif français. Le Défenseur, stipule-t-il, pourra en effet être saisi par « toute personne physique ou morale s’estimant lésée dans ses droits et libertés ».
Quant à la mission de promotion des droits de l’enfant, le nouveau texte fait l’impasse. A la trappe, donc, les 60 correspondants territoriaux, et les 32 « jeunes ambassadeurs ».ayant sensibilisé plus de 50 000 enfants sur leurs droits dans 12 départements depuis 3 ans.
Défendre la politique de l’enfance
D’ailleurs, la défenseure entend rappeler que son rôle dépasse le traitement des réclamations et s’inscrit « dans une réflexion de société sur les grandes questions concernant les enfants » : propositions de réformes législatives reprises par le Gouvernement (statut des tiers beaux-parents, situation des enfants dans les séparations conflictuelles…) ; propositions d’améliorations de politiques publiques (le rapport sur les adolescents en souffrance a entraîné la multiplication des Maisons des adolescents et des équipes mobiles de pédopsychiatrie) ; recommandations relatives aux mineurs étrangers isolés, aux tests ADN, et à la justice des mineurs.
Cette dilution programmée a provoqué de vives réactions dans l’opposition et chez les syndicats et associations. Le Parti socialiste y voit « une nouvelle étape de l’élimination méthodique par le président de la République de tous les contre-pouvoirs ». Le syndicat d’enseignant SNUipp-FSU qualifie la décision de « grave », l’Unsa-Education la juge « inacceptable ».
L’Unicef France se dit «scandalisé» et inquiet « quant à l’absence d’une politique globale de l’enfance sur notre territoire », rappelant en outre que le projet de loi « s’ajoute à la décision de la France de réduire sa contribution annuelle volontaire à l’UNICEF international de 25%. »
Et l’institution, qui en plus des enfants entend bien se défendre elle-même dans les prochaines semaines, vient de lancer une Coordination des soutiens pour un Défenseur des enfants indépendant. La défense est appelée à se renforcer, alors qu’approche le 20ème anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, et que Dominique Versini se prépare à présider, du 23 au 25 septembre à Paris, la Conférence annuelle du Réseau Européen des Défenseurs des droits de l’enfant.
» DES METHODES VRAIMENT NOUVELLES «
Deux jours après avoir dénoncé la disparition du poste de Défenseur des enfants, espérez-vous un fléchissement du gouvernement ? Vous vous dites choquée par cette annonce, pour ce qu’elle implique, et par la manière… Les réticences de la Défenseure des enfant, notamment sur les questions des enfants de sans-papiers auraient-elles joué un rôle ? Et l’indépendance du futur Défenseur des droits, selon vous, n’est pas garantie ? Vous déplorez également l’absence, dans le texte instituant le Défenseur des droits, de toute mention de la Convention internationale des droits de l’enfant… L’Unicef, en vous défendant, se dit inquiet pour la politique globale de l’enfance en France. Vous partagez cette inquiétude ? (1) Les mineurs étrangers sont le 2è motif de saisine (15%) de la Défenseure des enfants. On l’a vue monter au créneau cet été contre l’enfermement des enfants de parents sans-papiers en centre de rétention. |
Le rôle du défenseur des enfants Le Défenseur des enfants est une autorité indépendante, dont le rôle est d’alerter les autorités sur des cas individuels ou collectifs d’atteintes aux droits des enfants, de proposer des modifications législatives et de sensibiliser l’opinion. Depuis sa création en 2000, la Défenseure des enfants a traité des réclamations concernant le respect des droits de près de 20 000 enfants. En 2007, la Défenseure des enfants a traité 2100 réclamations concernant 2600 enfants et portant principalement sur les situations suivantes : |