La décision d’augmenter drastiquement les dépenses militaires a été prise par une assemblée quasi exclusivement masculine. Les féministes, dont les voix ont du mal à se faire entendre, dénoncent cette logique patriarcale qui sape tout espoir de paix.

Air triomphal, Donald Trump se réjouit d’avoir engagé les 32 pays de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) à consacrer 5 % de leur produit intérieur brut (PIB) à leur défense d’ici la fin de la décennie, lors du sommet qui s’est tenu cette semaine à La Haye.
Et la plupart des chefs d’Etat s’affichent tout sourire à ses côtés. Le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte a estimé que l’organisation internationale allait faire un « bond en avant ambitieux, historique et fondamental pour assurer notre avenir ». Seul le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a clairement indiqué qu’il ne sacrifierait pas les dépenses sociales pour les dépenses militaires. La Belgique et la Slovaquie, ont également exprimé une opposition plus discrète.
Un grand pas en arrière
Pour Code Pink: Women for Peace (« Code Rose : Femmes pour la paix »), organisation féministe internationale anti-guerre, c’est un nouvel objectif alarmant. « Cette déclaration a été saluée comme une étape historique. Mais en réalité, elle représente un grand pas en arrière – loin de répondre aux besoins urgents des populations et de la planète, et vers une course aux armements qui appauvrira les sociétés tout en enrichissant les fournisseurs d’armes » dénonce l’organisation.
Juste avant que les dirigeants de l’OTAN ne se réunissent à La Haye, des manifestants étaient descendus dans la rue pour contester l’Otan et exiger une réorientation des ressources vers la justice climatique, les soins de santé et la paix.
Code Pink fait observer que l’Otan qui a grossi, passant de 12 membres fondateurs à 32 pays aujourd’hui, « n’a pas apporté la paix. Au contraire. La promesse de l’alliance que l’Ukraine rejoindrait un jour ses rangs a été l’un des éléments déclencheurs de la guerre brutale menée par la Russie, et au lieu de désamorcer la situation, l’alliance a redoublé d’efforts en recourant aux armes, et non à la diplomatie. » Idem au Proche-Orient où l’Organisation envoie « davantage d’armes et ne propose aucune initiative sérieuse en faveur de la paix. »
Selon Code Pink, l’augmentation des dépenses militaires ne relève pas de la recherche de paix. « Il ne s’agit pas de défense, mais d’extorsion à l’échelle mondiale, sous l’impulsion d’un président [Donald Trump] qui considère la diplomatie comme un racket et la guerre comme une bonne affaire. »
Obscène
Cette décision va conduire les pays de l’Otan à réduire encore leurs services publics craint l’organisation féministe qui en appelle à une remise en question radicale. « Alors que le monde brûle – littéralement – l’OTAN fait des provisions de bois d’allumage. Alors que les systèmes de santé s’effondrent, que les écoles sont sous-financées et que les températures caniculaires rendent de larges pans de la planète inhabitables, l’idée que les gouvernements devraient engager des milliards supplémentaires dans l’armement et la guerre est obscène. La véritable sécurité ne vient pas des chars et des missiles, mais de communautés fortes, d’une coopération mondiale et d’une action urgente face à nos crises communes. »
Elle préconise d’ « inverser le scénario ». Autrement dit « réduire les budgets militaires, se retirer des guerres sans fin et entamer une discussion sérieuse sur le démantèlement de l’OTAN. »
Diplomatie féministe interdite
Mais les féministes n’ont pas de voix dans les sommets internationaux. Elles dénoncent pourtant depuis longtemps la militarisation et la guerre comme expressions du patriarcat. L’Otan a bien intégré certains éléments issus de l’agenda féministe international, notamment la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur « Femmes, Paix et Sécurité ». Cette démarche veut promouvoir la participation des femmes dans les processus de paix, prendre en compte les impacts genrés des conflits et à encourager l’intégration de la perspective de genre dans la sécurité et la défense.
Mais elle est critiquée comme relevant d’une forme de « féminisme libéral », c’est-à-dire visant à rendre les femmes visibles dans des structures inchangées, mais sans remettre en cause la logique militariste de l’organisation. Autrement dit, comme dans bien des cénacles masculins les hommes acceptent les femmes si elles ne changent rien à leurs politiques. La diplomatie féministe piétine toujours.