Peu de femmes à la table des négociations, ambiance paternaliste en interview, manœuvres hypocrites pour faire échouer un plan d’action en faveur de l’égalité… La COP30 ne sera pas féministe.

La scène pourrait paraître anecdotique, elle est symptomatique d’un monde qui refuse de bouger. Pour le climat comme pour les femmes. Lors de la COP30 de Belém, au Brésil, Lorelei Limousin, chargée de campagne climat chez Greenpeace, tente d’interviewer Patrick Pouyanné, le patron de TotalEnergies. La séquence est filmée. La seule gestuelle montre comment l’homme veut imposer sa parole. A plusieurs reprises, le patron interrompt celle qui tente de lui poser des questions avec une grosse voix et des gestes inappropriés. Elle accompagne sa parole d’un geste de la main vers le haut, il saisit cette main et la rabaisse. Voir ici.
Les femmes sont pourtant rares dans les allées de cette 30ème édition de COP. Elles ne représentent que 35 % des délégués, selon l’Organisation des femmes pour l’environnement et le développement (WEDO). Dans une tribune publiée dans la Croix, Alice Durand-Réville, fondatrice de She Changes Climate France rappelle que les femmes sont « les plus actives sur le terrain en faveur de la transition écologique. Il est urgent de les écouter. »
Elle rappelle que, « partout dans le monde, les femmes sont en première ligne : elles représentent la majorité des déplacés climatiques, subissent plus durement les catastrophes naturelles et les inégalités qu’elles aggravent. » Quelques exemples : « Après l’ouragan Katrina aux États-Unis, les violences envers les femmes hébergées dans des abris ont triplé. En France, lors de la tempête Xynthia, les femmes de plus de 60 ans représentaient, à elles seules, 44 % des victimes. La canicule de 2003 a entraîné une surmortalité de plus de 70 % chez les femmes, contre 40 % chez les hommes. »
Alice Durand-Réville souligne que les femmes, lorsqu’elles sont à la table du pouvoir agissent réellement pour prendre et appliquer des décisions en faveur du climat. « Non pas parce qu’elles seraient « naturellement » plus vertueuses, mais parce que leurs parcours les ont souvent confrontées à la nécessité de composer, de dialoguer, de protéger. »
Ils font capoter le plan d’action pour l’égalité
Et, comme elles ne sont pas autour de la table des négociations, le plan d’action destiné à prendre en compte les différences dans le changement climatique tourne mal. Ce Plan d’action pour l’égalité des sexes ou Gender Action Plan est un guide pratique visant à rendre l’action climatique inclusive. Il explique comment intégrer la perspective de genre dans tous les domaines de l’action climatique. Son objectif est de garantir que les politiques d’atténuation, d’adaptation, de financement, de technologie, de renforcement des capacités et de transparence favorisent, au lieu de restreindre, la participation et le leadership des femmes.
Les manœuvres pour le vider de son contenu vont bon train. Pour certains, c’est le mot « genre » qui pose problème. Une traduction de l’anglais « gender » braque certains pays. L’Argentine, qui, sous la présidence de Javier Milei, recule sur les politiques d’égalité des sexes et droits des personnes LGBT, a voulu dénoncer le « cancer » du « wokisme ». Plusieurs Etats, dont l’Argentine, la Russie, l’Arabie saoudite, l’Iran, l’Égypte ou le Vatican ont tenu à bloquer toute reconnaissance des personnes trans et non-binaires en ajoutant leurs propres définitions du sexe biologique et non du genre dans des notes de bas de page, entravant ainsi certaines dispositions de l’accord.
Certains ne veulent pas entendre parler de droits reproductifs ou de travail de soin
Selon Theclimatwatch.com, « L’Indonésie a appelé à intégrer la santé et les droits reproductifs dans les programmes climatiques, les qualifiant d’essentiels à tout cadre climatique significatif tenant compte des questions de genre. Le Groupe arabe a immédiatement rejeté cette proposition, la qualifiant de ‘ligne rouge’ ».
Puis « Le Népal a exhorté les parties à reconnaître le travail de soins non rémunéré dans la politique climatique, affirmant qu’il était essentiel à l’autonomisation économique et à la résilience des femmes. » Sohanur Rahman, délégué jeunesse à la COP30, coordinateur exécutif de YouthNet Global et membre du groupe de travail sur la justice climatique de l’alliance MenEngage, a souligné que les inégalités sociales et les dommages climatiques sont indissociables. « Les normes qui perpétuent les inégalités sociales sont les mêmes que celles qui favorisent l’exploitation de l’environnement », a-t-il déclaré. « Une transformation systémique des normes sociales patriarcales est essentielle pour parvenir à des solutions équitables et durables qui protègent à la fois les communautés et l’environnement. »
Le 20 novembre, sur Instagram, des militantes féministes et activistes du climat du Women Wave Project lançaient un appel depuis le Brésil pour sauver le plan pour l’égalité.
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