La création de cette nouvelle commission inquiète de nombreux professionnel.les de l’enfance et du droit de la famille.
Mauvais départ pour la nouvelle commission parentalité. Le week-end dernier, Aurore Bergé, ministre des Solidarités et des Familles annonçait dans La Tribune Dimanche la mise en place d’une nouvelle commission devant faire des « propositions concrètes » pour « relever les défis de la parentalité ». Mais dès la première séance de travail, trois membres de ce groupe d’expert.es ont annoncé leur démission : le sociologue spécialiste de la parentalité Claude Martin, la directrice de recherche au CNRS Agnès Martial et la sociologue de la famille Irène Théry.
Dans l’entretien accordé à La Tribune Dimanche, la ministre décrit ainsi les missions de cette commission : « concerner les options permettant d’épauler les parents dépassés, de dénouer les conflits familiaux, de prendre en charge la violence et les dépendances des jeunes ». Et, dans le même temps, elle annonce la mise en place de « travaux d’intérêt général pour les parents défaillants », qui a beaucoup fait réagir.
C’est après avoir découvert dans cet entretien d’Aurore Bergé que leur travail était présenté par le gouvernement comme une réponse aux émeutes de l’été 2023, suite à la mort du jeune Nahel, que les chercheurs et chercheuses ont décidé de démissionner. « Agnès Martial, Claude Martin et moi sommes arrivés avec un texte expliquant les raisons de notre démission. Nous avons regretté que les travaux à venir soient placés sous l’égide de méthodes répressives » a indiqué au journal Le Monde la sociologue Irène Théry.
Un plan pour « restaurer l’autorité parentale »
La commission crée par Aurore Bergé aura six mois pour faire à la ministre des propositions concrètes. Selon la ministre, « il y a clairement un enjeu d’autorité à restaurer » et « ce n’est ni ringard ni réac de le dire ». Des délimitations de sa commission sont encore floues, mais elle veut redonner aux parents « la place qui leur revient ». « Les parents ne peuvent pas être les oubliés de nos politiques publiques. Nous avons besoin d’eux, nous devons faire avec eux » a-t-elle déclaré. Pourtant, son plan a plutôt des allures répressives, notamment à travers les travaux d’intérêts général pour les parents défaillants, mais aussi « le paiement d’une contribution financière pour les parents d’enfants coupables de dégradations auprès d’une association de victimes et une amende pour les parents ne se présentant pas aux audiences qui concernent leurs enfants ».
Une volonté de serrer la vis, plus de six mois après les manifestations suite à la mort du jeune Nahel. « On a vu des parents absents lors des émeutes ou qui, parfois, encourageaient leurs enfants à commettre des actes illégaux » a ainsi déclaré la ministre, surfant sur l’idée d’un délitement de l’autorité parentale.
Hors volet répressif, Aurore Bergé a annoncé vouloir augmenter les moyens des Caisses d’Allocations Familiales (CAF) de 30%, pour mieux accompagner les parents. La ministre a aussi annoncé un futur « congé familial », d’ici 2025, plus « simple et plus souple ». Les parents pourront le prendre en même temps ou séparément avec « une indemnisation clairement plus élevée que le congé parental actuel ». Un vieux serpent de mer.
Serge Hefez, défenseur de la notion d' »aliénation parentale »
Un autre élément des projets du gouvernement pour la parentalité inquiète : la commission, qui suscite des remous, est co-présidée par le pédopsychiatre et psychanalyste Serge Hefez et la spécialiste de la jeunesse Hélène Roques. Certaines positions très tranchées de Serge Hefez ont refait surface. Une vidéo de lui en 2009 sur un plateau de télévision a fait réagir les internautes et les associations : il y défend la notion d' »aliénation parentale », pseudo-théorie scientifique utilisée par les cercles masculinistes pour décrédibiliser les mères et leurs enfants qui dénoncent des violences. Dans cette vidéo, on entend Serge Hefez dire : « il y a malheureusement les fausses accusations d’abus sexuels, qu’on rencontre malheureusement dans beaucoup d’histoires de séparations ».
Le « syndrome d’aliénation parentale », notion infondée scientifiquement qui fait de plus en plus son chemin dans la sphère politique et judiciaire, est au cœur d’une autre bataille politique : une proposition de loi relative aux droits de l’enfant à entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses parents en cas de séparation est étudiée au Sénat. La notion de SAP plane au-dessus des débats, et inquiète les expert.es du sujet, qui critiquent un contour flou de la loi.
De nombreuses associations de protection de l’enfance ont manifesté leur mécontentement sur les réseaux sociaux, alors que la nomination de Serge Hefez intervient quelques jours après l’annonce de la poursuite de la Ciivise, mais sans le juge Edouard Durand à sa tête.