Il faudra encore attendre… Annoncés pour le mois d’avril, les décrets d’application de la loi sur les retraites relatifs à l’égalité professionnelle ne seront pas publiés avant juin. Car le ministère du Travail cherche à édulcorer les sanctions. « Une honte ! », tonne la députée UMP Marie-Jo Zimmermann.
Sanctionner les entreprises de plus de 50 salariés qui n’agissent pas face aux inégalités professionnelles entre hommes et femmes : c’est ce que prévoit l’article 99 de la loi du 9 novembre 2010 réformant les retraites. Mais ses décrets d’application font toujours l’objet d’intenses discussions. Le montant de la sanction pourra aller jusqu’à 1% de la masse salariale, « ce qui peut représenter une somme considérable », estime Roselyne Bachelot. Mais « le diable est dans les détails », reconnaît la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale. C’est sur ces détails, tels que les critères de modulation des pénalités, que se jouera l’efficacité de la loi. Et ces « détails » doivent être précisés par les décrets tant attendus.
Avant Pâques ? Non, après la Trinité
Attendus, c’est le moins qu’on puisse dire… Dès le 1er mars, la députée UMP Marie-Jo Zimmerann, présidente de la délégation aux Droits des femmes de l’Assemblée nationale, demandait leur publication « au plus vite ». Le 30 mars, auditionnée par la délégation, Roselyne Bachelot, confirmait ce qu’elle avait déjà annoncé une semaine plus tôt : les décrets seront publiés avant la fin du mois d’avril. Le 9 mai, toujours rien…
Trois décrets pour un article Ce sont en tout trois décrets relatifs à l’article 99 qui sont en attente de publication. Le premier concerne les conditions de mise en oeuvre des sanctions ; c’est celui qui apparaît comme le plus épineux. Mais la vigilance est également de mise sur les deux autres décrets : Le premier doit préciser les modalités de la mise en oeuvre des actions obligatoires. A défaut d’accord sur l’égalité professionnelle, la loi obligera les entreprises à publier un « plan d’action » si elle veulent échapper aux sanctions. La crainte, soulevée notamment par Marie-Jo Zimmermann, est que le décret entretienne la confusion entre « plan d’action » aux contours flous, et rapport de situation comparée au cadre bien défini. Le décret « lèvera toutes les ambiguïtés », a promis Roselyne Bachelot. Le dernier décret concerne la transparence. Selon la loi, une synthèse du plan d’action, « comprenant au minimum des indicateurs et objectifs de progression », devra être communiquée au sein de l’entreprise, mais aussi à toute personne extérieure qui en fait la demande. Le décret doit définir ces indicateurs et ces chiffres ; plus il les détaillera, plus on aura droit à la transparence.
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Ce ne sera finalement pas avant le mois de juin, reconnaît aujourd’hui le ministère. Un report décidé « afin de les publier en même temps que les décrets sur la pénibilité ». Etrange justification, dans la mesure où la grande majorité des décrets ont déjà été publiés. Les premiers – dont celui entérinant la principale mesure du texte, le recul de l’âge légal – quelques semaines après la promulgation de la loi. Le dernier en date, le 17 avril, concerne la prise en compte du congé maternité dans le calcul de la retraite des femmes.
En fait, une version du projet de décret a été présentée la semaine dernière aux syndicats, qui l’ont rejetée. Et « ils ont eu raison », juge Marie-Jo Zimmermann. La députée ne met pas en cause le ministère de Roselyne Bachelot, mais celui du Travail (tous deux sont chargés de plancher sur le texte du décret). Un ministère qui cherche à faire gagner du temps aux entreprises et à minimiser la portée des sanctions, dénonce la députée : « Xavier Bertrand a présenté une proposition pire qu’a minima. Et Matignon a tranché a minima. C’est intolérable. »
« On se fout du monde, on se fout des femmes ! »
La présidente de la délégation aux Droits des femmes ne décolère pas contre son camp. Car le sujet ne traîne pas depuis la loi sur les retraites, il y a 6 mois, mais depuis 5 ans. La loi du 23 mars 2006 obligeait les entreprises à négocier des mesures de suppression des écarts de rémunération avant le 31 décembre 2010, mais remettait à plus tard la question d’éventuelles sanctions. De ce fait, déjà, « elle portait en elle son propre échec », juge Marie-Jo Zimmermann.
Les mesures de l’article 99 de la loi sur les retraites entrant en application au 1er janvier 2012, les entreprises auront, entre temps, gagné un an. Sinon davantage, selon la latitude que le décret leur donnera.
Il n’y a pourtant pas à tergiverser, juge Marie-Jo Zimmermann. A ce jour, plus de la moitié des entreprises n’effectuent pas de rapport de situation comparée des conditions d’emploi et de formation des femmes et des hommes. Cela suffit : dès le 1er janvier 2012, il faut sévir, estime-t-elle.
Alors, « qu’on en soit encore là, à faire ce cirque autour de la publication des décrets, c’est une honte », lance la députée qui avertit : « Un conseil national de l’UMP doit se tenir fin mai. Qu’on ne me demande pas d’y parler d’égalité si d’ici là les décrets ne sont pas sortis en bonne et due forme ».
Et le chef de l’Etat en prend aussi pour son grade : « Qu’il ne vienne pas faire de discours sur les femmes, surtout pas ! Cela fait 9 ans qu’on est au pouvoir, et on en est toujours à pinailler sur un sujet aussi important que l’égalité professionnelle. On se fout du monde, et on se fout des femmes, surtout », tranche Marie-Jo Zimmermann, qui n’entend pas en rester là.
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