Attendu pour lutter contre les violences sexuelles, le plan du ministre de l’Education nationale reçoit un accueil montrant… qu’il est indispensable de renforcer sérieusement l’éducation à la sexualité à l’école.
« J’ai saisi le Conseil supérieur des programmes afin qu’il élabore un programme d’éducation à la sexualité, comme il en existe pour toutes les matières. Formation, ressources pédagogiques : tenons nos engagements et enseignons les trois séances annuelles. » a annoncé Pap Ndiaye, le ministre de l’Education nationale, ce mercredi matin devant la délégation aux Droits des femmes de l’Assemblée nationale. Le Conseil supérieur des programmes devra proposer, pour chaque niveau d’enseignement, un programme précisant les thèmes et les notions qui devront être abordés. « Les propositions du Conseil supérieur des programmes, attendues d’ici à novembre 2023, devront accorder une place particulière à l’égalité filles-garçons, à la lutte contre toutes les formes de discriminations liées à l’identité de genre ou l’orientation sexuelle réelle ou supposée, ainsi qu’à la notion de consentement. » précise un communiqué du ministère. Le ministre prévoit que sur la base de ce programme, « des ressources pédagogiques seront élaborées afin d’accompagner les personnels de l’Éducation nationale. » Ce plan « sera déployé durant l’année scolaire 2023-2024 », a annoncé le ministère. « Structuré par cycles, ce programme sera adapté à chaque niveau afin de couvrir les trois champs de l’éducation à la sexualité : biologique, psycho-émotionnel et juridique et social ».
Jusqu’ici, le code de l’Éducation, prévoyait, depuis 2001, pour les élèves des écoles, collèges et lycées, au moins trois séances annuelles d’éducation à la sexualité, y compris une sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles. Mais dans les faits, ces séances n’avaient pas toujours lieu.
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Pap Ndiaye annonce aussi que son ministère veut s’assurer de l’effectivité de cette éducation à la sexualité. Il devrait publier « chaque année en juin une enquête sur la mise en œuvre par les établissements et les écoles de l’éducation à la sexualité ». Le ministre souhaite créer « un comité de liaison réunissant l’ensemble des acteurs mobilisés, dont notamment les associations du secteur, les fédérations de parents d’élèves et les jeunes eux-mêmes. »
Il répond ainsi à une demande répétée des associations féministes qui rappellent régulièrement que cette éducation à la sexualité est un moyen de lutter contre les violences sexuelles. Faute d’éducation à la sexualité, les jeunes se fient au porno qui est devenu très facilement accessible pour eux. Et le porno, diffusé très largement sur internet, associe la sexualité à la violence.
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Mais sur les réseaux sociaux, les réactions à cette annonce montrent que l’intérêt de l’éducation à la sexualité n’est pas compris. Il s’agit de protéger les victimes de violences sexuelles de garçons et d’hommes ayant appris la sexualité via des films pornos violents. Mais même des journalistes, manifestement très mal informés de ces dangers et des raisons pour lesquelles le ministre lance cette initiative jouent l’ironie. Beaucoup croient qu’il s’agit d’apprendre aux enfants les positions du kamasutra, beaucoup veulent absolument dire au ministre que l’école doit apprendre à lire et à écrire, beaucoup reprennent une opposition classique au féminisme : il y a bien plus urgent… Plus urgent que la protection des victimes de violences sexuelles ? Ils ignorent, ou ne veulent pas voir les ravages de l’éducation à la sexualité par le porno.
Il faut espérer que cette nouvelle initiative ministérielle porte ses fruits. Nos archives montrent une succession de bonnes intentions… et des appels répétés des associations.
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