En 2016, les 1% les plus riches posséderont plus que le reste de la population mondiale, calcule l’ONG Oxfam. Sa présidente Winnie Byanyima donnera de la voix au Forum Économique Mondial de Davos cette semaine. Mais peut-on espérer autre chose que des paroles ?
Dans un an, les 1% les plus riches dans le monde posséderont plus que les 99% restants.
C’est ce que calcule l’ONG Oxfam, dans l’étude « Insatiable richesse : toujours plus pour ceux qui ont déjà tout », publiée lundi 19 janvier, en amont du Forum Économique Mondial (WEF) de Davos. L’étude montre que la part du patrimoine mondial détenue par les 1 % les plus riches est passée de 44 % en 2009 à 48 % en 2014, et dépassera les 50 % en 2016.
« Voulons-nous vraiment vivre dans un monde où 1 % possèdent plus que le reste d’entre nous ? », s’interroge Winnie Byanyima, directrice d’Oxfam International. Elle sera l’une des 6 co-présidents du Forum de Davos, qui accueillera du 21 au 24 janvier plus de 40 chefs d’Etats (parmi lesquels François Hollande) et de gouvernements et 2500 responsables économiques et représentants de la société civile. En réagissant à sa désignation comme co-présidente, début décembre, Winnie Byanyima se félicitait de pouvoir porter à l’occasion de ce sommet des puissants « la voix des personnes les plus pauvres dans le monde ».
Joindre le geste à la parole
Le 30 octobre dernier, déjà, Oxfam envoyait un message fort pour « en finir avec les inégalités extrêmes », en rappelant que le nombre de milliardaires dans le monde a plus que doublé depuis la crise financière de 2008, pendant que, par exemple, un million de femmes sont mortes en couches, faute de disposer des services de santé de base (Voir : Oxfam appelle à en finir avec les inégalités extrêmes).
Et une semaine plus tard le WEF lui emboîtait le pas en relevant que l’accroissement des inégalités de revenus est devenu la tendance la plus préoccupante pour le monde. C’est un « défi universel » (Voir : Le Forum Economique Mondial alerte à son tour sur les inégalités).
« Au cours des douze derniers mois, les dirigeant-e-s du monde ont, à l’instar du président Obama et de Christine Lagarde, de plus en plus évoqué le besoin de réduire les inégalités extrêmes », rappelle Winnie Byanyima. « Mais pour beaucoup, nous attendons encore qu’ils joignent le geste à la parole. Il est temps que nos dirigeant-e-s s’attaquent aux intérêts particuliers des poids lourds qui font obstacle à un monde plus juste et plus prospère ». Oxfam réclame notamment « l’organisation cette année d’un sommet mondial sur la fiscalité pour réécrire les règles fiscales internationales ».
Lobbying des puissants
Winnie Byanyima parviendra-t-elle à transformer les belles paroles en mesures concrètes ? Et notamment à faire avancer le principe d’une fiscalité plus forte sur l’extrême richesse ? Ou encore d’une lutte accrue contre les paradis fiscaux ? Les paris sont ouverts. Un indice : il y a deux ans déjà, le Forum Économique Mondial s’inquiétait de la montée des inégalités, pendant qu’Oxfam, en marge du rendez-vous de Davos, appelait à « un nouveau New Deal mondial pour renverser la croissance des inégalités constatée ces dernières décennies » (Voir : Contre les inégalités, s’en prendre à « l’extrême richesse »). Deux ans, et la tendance s’est poursuivie.
L’étude publiée ce 19 janvier montre aussi comment « les élites » – notamment dans les secteurs pharmaceutiques, de la santé, de l’assurance et de la finance – « mobilisent leurs ressources considérables pour s’assurer que les règles internationales favorisent leurs intérêts ». Oxfam craint alors « que la force de lobbying de ces secteurs ne soit un obstacle majeur à la réforme du système fiscal international et n’impose des règles de propriété intellectuelle qui empêchent les plus pauvres d’accéder à des médicaments vitaux. »
Winnie Byanyima, par ailleurs spécialiste des droits des femmes, pourra aussi observer à Davos les inégalités entre hommes et femmes. Moins de 15% de femmes étaient présentes au dernier Forum économique mondial, en janvier 2014. Encore moins que les années précédentes, malgré des mesures incitatives (Voir : A Davos, les maîtres du monde restent entre hommes). |
Photo : Winnie Byanyima, au Forum Economique Mondial sur l’Afrique, Abuja, Nigeria 2014. © World Economic Forum / Benedikt von Loebell