Deux perles de sexisme ont suscité des remords. Une troisième, l’image des « femmes seules » dans l’espace, est passée presque inaperçue.
Ecologie et retour des femmes au foyer. Une boulette de Brune Poirson, secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la Transition écologique, a été repérée par Camille Crosnier dans sa chronique « Camille passe au vert » sur France Inter et a enflammé la Toile jeudi dernier. Participant à un débat sur le Zéro déchet, la ministre s’est d’abord enthousiasmée : « C’est pas un truc de bobo, le zéro déchet, nous on a vu des familles pour qui ça changeait la vie d’être dans cette logique de recyclage, de réemploi. Elles disaient qu’elles économisaient jusqu’à 150 euros par mois ». Jusqu’ici tout va bien mais, l’enfer est pavé de bonnes intentions dit la sagesse populaire. Et voici que la ministre laisse croire qu’elle pourrait vouloir renvoyer les femmes au foyer. Elle enchaîne : « Ça leur laissait beaucoup plus de temps à passer avec leur famille : au lieu d’aller bosser pour avoir de l’argent pour acheter suffisamment de choses, j’ai vu cette mère de famille fabriquer sa lessive, des éponges et beaucoup de choses avec ses enfants. » Ce qui est rassurant est que ce genre de réflexion ne passe plus. Dans les réactions enregistrées par la journaliste de France Inter (au moins celles qu’elle a sélectionnées), les femmes interviewées trouvent cette réflexion « ultra sexiste : vision archaïque de la femme, moyen-âge… » Mieux, le journaliste qui enchaîne après la chronique ajoute : « et avec la charge mentale en prime »
Sur twitter, la journaliste Isabelle Saporta, se lâche : « Nickel ça @brunepoirson ! Allez les filles, on arrête de bosser ! On redevient financièrement dépendantes de nos mecs pour avoir bien bien le temps de fabriquer notre lessive ! Se servir de l’écologie pour renvoyer les femmes au foyer : fallait osez ! » Et les commentaires qui suivent son post enragent aussi sur le fait de distiller de fausses évidences : le domestique et le zéro déchet seraient l’affaire des femmes et les femmes vaudraient un salaire de 150 euros… Interviewé par L’Obs, le cabinet de la ministre plaide une phrase prise « hors contexte ».
Une femme seule est une femme sans homme. La première sortie spatiale 100 % féminine a eu lieu le 18 octobre dernier (voir Première sortie spatiale entre femmes ) et ce fut un événement. Plusieurs journaux comme le Progrès ou le Dauphiné libéré ont titré: « deux femmes sortent seules dans l’espace » . Y compris le Huffington Post qui a pourtant voulu dire que l’événement n’avait pas suscité de « commentaires sexistes ». Ça n’a l’air de rien mais ces titres renforcent la différence entre les expressions « femme seule » et « homme seul ». Quand on parle d’une «femme seule» , on pense en général à une femme qui n’a pas d’homme dans sa vie. Mais quand on parle d’un « homme seul » , on imagine volontiers un grand homme, l’air pénétré, endossant la solitude du manager, du décideur, du pouvoir…. (voir La solitude, ça n’existe pas… pour les hommes ?) Et par-dessus le marché, tapie dans un coin de l’inconscient collectif, toujours prête à resurgir, l’idée selon laquelle une femme sans homme pour la protéger serait en danger. Les titres sur les deux femmes seules renforcent l’imaginaire collectif. Une femme seule est une femme sans homme, deux femmes sans hommes sont donc aussi deux femmes « seules ».
Immunité amoureuse. La dernière perle sexiste a été corrigée et c’est heureux. Le 18 octobre le collectif #NousToutes interpelle le quotidien régional La voix du Nord qui a traité un fait de violence sévère avec ce titre : « Cambrai : l’histoire d’amour finit mal, il écope d’une peine ferme » L’homme a fracturé le massif facial de sa compagne, ce qui a valu à cette dernière 10 jours d’incapacité totale de travail. Mais les temps changent. Le quotidien n’a pas traité par le mépris l’indignation du collectif. Au contraire. Il répond illico sur Twitter : « Vous avez raison et nous présentons nos excuses. L’article a été retitré et est d’autant plus malheureux que la rédaction est actuellement engagée dans un travail nécessaire sur notre façon d’aborder les affaires de violences conjugales. Merci de votre vigilance. » Le titre est devenu « Cambrai : sept mois de prison ferme pour avoir frappé sa compagne. » A force d’être interpellés par les féministes grâce aux réseaux sociaux, ceux qui construisaient un imaginaire collectif indulgent pour les hommes violents commencent à se remettre en question. Cet épisode confirme la tendance observée par l’auteure du trumblr « Les Mots tuent » (voir #LesMotsTuent : 350 articles épinglés et un début de questionnement dans les médias)