C’est le nouvel objectif que veut se fixer l’ONU. Les pistes du programme de développement pour l’après 2015 sont ambitieuses et accordent une large place à l’environnement et aux droits des femmes. Mais elles oublient la question des inégalités.
L’objectif d’éradiquer la pauvreté et la faim dans le monde en 2015 est hors de portée. Mais il doit être tenu en 2030. C’est le message porté par un « Panel de haut niveau » mandaté par l’ONU dans un rapport publié jeudi 30 mai (ici en anglais).
« Nous sommes à l’orée d’une période historique », a estimé le Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon devant l’Assemblée générale, lors du lancement de ce rapport qui ébauche le nouveau cadre appelé à succéder aux Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Ban Ki-moon doit présenter son propre rapport global, incluant tout ou partie de ces recommandations, en septembre devant l’assemblée générale des Nations Unies.
L’un des principaux objectifs des OMD, lancés en 2001, était la réduction par deux de l’extrême pauvreté et de la faim avant 2015. Mais il est encore loin d’être atteint. Plus d’un être humain sur 7 vit sous le seuil de pauvreté – fixé à 1,25 dollars par jour – et autant ne mangent pas à leur faim.
12 nouveaux objectifs
« Les OMD entendaient réduire de moitié la pauvreté. Après 2015, nous devons avoir pour objectif d’éradiquer la faim et l’extrême pauvreté, et s’attaquer à la pauvreté sous toutes ses formes », souligne le panel qui fixe « cinq changements majeurs de paradigme » : ne laisser personne sur le bord de la route ; mettre le développement durable au cœur du programme de développement ; transformer les économies en moteurs d’une croissance inclusive et de l’emploi ; bâtir des institutions transparentes et ouvertes au service de la bonne gouvernance ; établir un nouveau partenariat mondial guidé par « un esprit de solidarité, de coopération et de responsabilité mutuelle ».
Sur ces bases, les 27 experts du Panel, dirigés par le Premier ministre britannique David Cameron, le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono et la présidente du Liberia Ellen Johnson Sirleaf, fixent une série de 12 nouveaux objectifs. L’un d’eux répond aux aspirations de la directrice d’ONU Femmes (Voir : Lakshmi Puri : pour le développement, l’égalité des sexes). Il s’agit d’« atteindre l’égalité des sexes » (quand les OMD pour 2015 parlaient de la « promouvoir ») avec quatre grands axes : empêcher et éliminer toute forme de violence contre les femmes et les filles ; éradiquer les mariages précoces ; assurer aux femmes des droits égaux ; éliminer la discrimination contre les femmes dans la vie publique, politique et économique.
Les inégalités, grandes oubliées
Les éléments de ce rapport sont globalement bien accueillis par les différentes agences de l’ONU et les ONG. Telle Oxfam qui salue « l’ambition et la cohérence » de ce travail, notamment la reconnaissance du défi environnemental et les ambitions pour les droits des femmes. Mais Oxfam adresse tout de même une critique de poids : il ne prend pas en compte la hausse des inégalités. « Le Panel a refusé de reconnaître que le niveau élevé des inégalités est à la fois moralement répugnant et néfaste à la croissance et la stabilité (…) Des appels à des actions ciblées pour réduire les inégalités ont été lancés par toutes les composantes de la société civile, mais il semble que le Panel ne les ait pas écoutés. Sans une feuille de route pour réduire les inégalités extrêmes de revenus, au sein des pays comme entre eux, il est à peu près certain que les futurs objectifs ne seront pas tenus », déplore Stephen Hale, responsable d’Oxfam.
L’ONG rappelait en janvier que, ces 20 dernières années, les 1% les plus riches de la planète ont vu leurs revenus croître de 60%. En 2012, les 100 plus gros milliardaires possédaient 240 milliards de dollars – quatre fois la somme permettant d’éradiquer l’extrême pauvreté dans le monde. Dans la même veine, l’argent caché dans les paradis fiscaux représente une perte de 120 milliards d’euros de recettes fiscales.
Photo : Susilo Bambang Yudhoyono remet à Ban Ki-moon le rapport du Panel de haut niveau, le 30 mai 2013. Photo ONU/Mark Garten