Dans les entreprises qui doivent s’engager en faveur de l’égalité professionnelle, trop de dirigeants prônent l’immobilisme : l’égalité femmes / hommes, ça les fatigue…
L’excuse est aussi vieille que la lutte pour l’égalité professionnelle entre femmes et hommes : une « gender fatigue » gagnerait les entreprises qui, du coup, stopperaient net les maigres efforts entrepris pour corriger les écarts de salaires et de carrière.
Dans une chronique publiée le 21 octobre dans Les Échos intitulée « Pas de place pour la ‘gender fatigue’ », la directrice de « Bouge ta boîte », Marie Eloy dit entendre de plus en plus souvent cette excuse.
Les héros de l’égalité professionnelle sont tellement fatigués qu’ils n’ont jamais vraiment engagé la bataille. Car en matière d’égalité professionnelle, comme sur bien des sujets féministes, ceux qui ont le pouvoir de donner leur point de vue sur le monde et de décider, manient à merveille le déni et l’inversion de responsabilité. Ils font planner « le mythe de l’égalité déjà là » selon l’expression de la sociologue Christine Delphy. Et agitent un drapeau rouge face à des initiatives pour l’égalité. Des quotas, ils disaient qu’ils allaient aboutir à placer au pouvoir des femmes incompétentes, – alors que le but des quotas est d’éviter que des femmes compétentes ne soient écartées parce que femmes. « Pour soutenir l’égalité femmes-hommes, il serait donc préférable de s’abstenir d’agir » ironise Marie Eloy qui rappelle que, « au rythme actuel, il faudrait 254 ans pour combler les disparités professionnelles. »
Certains dirigeants disent même craindre la fatigue, voire la rebellion de leur collaborateurs masculins déjà las de voir que leur entreprise prend des initiatives pour résorber les écarts de carrières entre hommes et femmes. Eux aussi crient avant d’avoir mal… Les écarts sont toujours loin d’être résorbés.
En 2018, des patrons soufflaient tellement fort qu’ils n’entendaient pas une patronne leur dire de ne pas céder à cette « gender fatigue. »
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Mais ils préfèrent l’immobilisme. Ne rien faire est la plus sûre façon de laisser perdurer les stéréotypes qui poussent les hommes à s’orienter vers les postes de direction et les femmes à cacher leurs ambitions. Leur fatigue est assez difficilement explicable car ils sont peu nombreux à se battre pour être les meilleurs en égalité
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Pourtant, les études sur les inégalités professionnelles se suivent et se ressemblent : les progrès n’adviennent que lorsque les entreprises sont soumises à des contraintes législatives très fortes et engagent des actions volontaristes. Parfois même la situation régresse, avec le télétravail notamment
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