Les victimes obtiennent justice : Gérard Depardieu a été condamné lors de son premier procès pour violences sexuelles. Les deux plaignantes ont même obtenu de faire reconnaître la victimisation secondaire subie lors du procès. Les féministes se réjouissent de ce pas en avant même si l’acteur fait appel.

Le verdict du tribunal correctionnel de Paris est tombé : coupable. Ce mardi 13 mai, l’acteur Gérard Depardieu a été condamné à une peine de dix-huit mois de prison avec sursis ainsi qu’à verser 7.500 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral aux parties civiles. Il est également soumis à une inscription au Fijais (Fichiers des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes) et à deux ans d’inéligibilité. L’acteur n’était pas présent lors du verdict puisqu’il tourne actuellement un film aux Açores réalisé par Fanny Ardant, qui lui a apporté son soutien publiquement. Pour la première fois, le tribunal a également sanctionné la victimisation secondaire subie par les victimes durant ce procès.
Le « monstre sacré » qui « rend fière la France » condamné
Il était accusé par deux femmes d’agressions sexuelles alors qu’elles travaillaient sur le tournage du film Les Volets Verts de Jean Becker en 2021. La première plaignante, Amélie [les noms ont été modifié], décoratrice âgée de 54 ans, a accusé l’acteur de lui avoir « malaxé» les fesses, le pubis et la poitrine. Sa plainte, déposée en février 2024, a encouragé une autre victime à parler : Sarah, assistante du réalisateur, âgée de 34 ans, qui dénonce des mains sur les fesses et la poitrine à trois reprises.
Lire : « Les féministes mobilisées pour soutenir les femmes qui accusent Gérard Depardieu«
Le procès avait été renvoyé au 24 mars 2025 après l’absence de Gérard Depardieu lors de l’ouverture du procès en octobre dernier. Pendant les quatre jours d’audience, l’acteur fait le choix de nier en bloc les faits qui lui sont reprochés et son avocat adopte une défense teintée de misogynie, une attitude critiquée par ses pair.e.s dans une tribune. (Lire : « Procès Depardieu : une tribune pour en finir avec le sexisme au sein du système judicaire »)
Ce mardi 13 mai 2025, la justice a tranché en déclarant Gérard Depardieu coupable de ces agressions. Le président du tribunal va même plus loin en condamnant l’acteur pour victimisation secondaire. Une grande première ! Alors que la France et son institution judiciaire ont été condamnées pour le même motif quelques semaines auparavant, cette fois-ci c’est le prévenu qui est tenu responsable. Le président du tribunal estime que l’avocat de l’acteur a tenu des « propos outranciers ou humiliants portant atteinte à la dignité des personnes ou visant à les intimider ». Me Jérémie Assous avait lancé à l’une des plaignantes : « Votre trauma, quand bien même l’agression aurait bien eu lieu, il est relatif ! C’est pas Guy Georges ! ». Des tirades misogynes ponctuées « d’hystériques » et de « menteuses ». Si l’avocat de l’acteur a annoncé faire appel, cette condamnation envoie un signal fort pour les victimes de violences sexistes et sexuelles.
Lire : “La France condamnée pour victimisation secondaire par la CEDH”
En finir avec le sexisme dans le système judiciaire
« La justice reconnaît enfin la victimisation secondaire : humilier une victime, c’est aussi une violence », a salué La Fondation des Femmes sur Instagram avant d’ajouter : « Cette décision envoie un message clair : personne n’est au-dessus des lois ». Les féministes sont nombreuses à fêter cette condamnation. Sur le même réseau social, la journaliste et essayiste féministe Fiona Schmitt parle même de « belle augure pour MeToo et toutes les victimes de violences sexistes et sexuelles », alors que l’annonce de cette condamnation survient le même jour que l’ouverture du festival de Cannes. « Reconnaitre la victimisation secondaire, c’est reconnaître enfin l’existence des violences institutionnelles, dénoncées par les associations et les dizaines de milliers de victimes depuis des dizaines d’années », rappelle-t-elle avant de préciser : « C’est un pas – tardif, mais décisif – vers une justice qui ne se rend plus complice de la double peine infligée aux victimes de violences sexistes et sexuelles ».
Si certaines féministes déplorent que la peine de l’acteur ne soit que du sursis, l’association MeTooMédia nuance : « Malgré le sursis, malgré l’appel, c’est une condamnation. C’est une première condamnation pour agressions sexuelles pour l’un des hommes les plus puissants du cinéma français. Un autre procès l’attend, cette fois-ci devant la cour criminelle, pour viols et agressions sexuelles sur la comédienne Charlotte Arnould ». En effet, ce procès était le premier procès de Gérard Depardieu pour violences sexuelles. Mais ça ne sera pas le seul puisque la comédienne Charlotte Arnould, l’une des premières femmes à avoir déposé plainte contre l’acteur en 2018, est toujours dans l’attente de son procès.
L’avocate Anne Bouillon , interrogée par franceinfo ce mardi 13 mai, s’enthousiasme elle aussi de la décision du tribunal de Paris : « Ça vient dire que le sexisme, la misogynie et cette violence gratuite n’ont plus leur place dans les prétoires ». L’avocate salue le travail mené par ses consœurs Mᵉ Carine Durrieu-Diebolt, qui a également défendu deux autres plaignantes Charlotte Arnould et Lucile Leidier, et Mᵉ Claude Vincent : « On fait progresser le droit en le saisissant de demandes que l’on ne pensait pas possible. Venir dire à la justice, vous devez réparer aussi la violence que l’institution perpétue, c’est audacieux, mais ça produit ses effets ». Une condamnation qui marque le début de la fin de l’impunité pour les hommes puissants et les agresseurs.
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