En Afrique, les femmes s’épuisent à chercher des combustibles pour cuisiner et inhalent des gaz toxiques. Mais il a fallu attendre que l’enjeu climatique de la « cuisson propre » soit mis en évidence pour que les dirigeants du monde s’engagent.
Mardi 14 mai se tenait à Paris, au siège de l’UNESCO, un « Sommet mondial sur la cuisson propre en Afrique » organisé par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) et la Banque africaine de développement. Habituellement, ce genre de manifestation passe sous les radars des grands médias d’information. Mais cette fois-ci, le sujet a fait la Une d’un journal matinal de France Inter, et a été largement traité par tous les poids lourds de l’information.
L’Elysée a sérieusement communiqué sur le sujet. Le président de la République publiant lui-même des messages sur les réseaux sociaux annonçant que la France allait, avec d’autres pays, « mobiliser 2,2 milliards de dollars pour fournir des alternatives aux populations en Afrique. » Et « investir 100 millions d’euros sur cinq ans pour les modes de cuisson propres ».
Intérêt soudain
Pourquoi ce soudain intérêt pour un sujet qui jusqu’ici semblait ne concerner que les femmes ? Probablement parce qu’il est abordé sous l’angle de la protection du climat et non plus sous l’angle de la santé et du travail des Africaines.
Dans le monde, 2,3 milliards de personnes, dont plus d’un milliard en Afrique, ont recours, pour faire cuire leurs aliments, à des feux ouverts ou des poêles rudimentaires chauffées par du charbon, du fumier, du bois, des déchets agricoles… Ce qui a un impact sur la santé et sur le climat. « Les fumées dégagées par la cuisson au bois ou au charbon provoquent des centaines de milliers de morts prématurées chaque année, notamment chez les femmes et les enfants, ainsi qu’une déforestation intensive et des émissions de CO2 équivalentes à celles des secteurs aériens et maritimes » écrit Emmanuel Macron. La cuisson des aliments représenterait 3% des gaz à effet de serre.
Epuisement, violences, intoxication…
Mais une plongée dans les archives des ONG et personnalités africaines qui traitent le sujet depuis plus d’une décennie révèle une autre facette du problème de cuisson des aliments qui n’a jamais suscité autant d’intérêt. Les femmes sont les premières victimes de la cuisine dite traditionnelle. Cette cuisine repose sur la combustion de ce qu’elles peuvent trouver et elles sont les premières exposées aux dangers de la combustion.
Selon l’étude de l’AIE qui s’appuie sur des documents de la CCA (Clean Cooking Association), elles passent en moyenne cinq heures par jour à rechercher ces combustibles, (soit un temps plein non rémunéré par semaine !). Cette recherche de combustible met en danger les femmes en les obligeant à s’éloigner de leur communauté. Au Tchad, selon une étude de la CCA, 42% des foyers font état de violences faites aux femmes allant chercher du combustible sur les six derniers mois.
Incidemment favorable aux femmes
Quand, épuisées, elles ont trouvé le combustible et échappé aux violences, les femmes vont alors s’exposer à des fumées toxiques en cuisinant. La mauvaise combustion et la combustion de mauvaises matières provoquent le rejet de particules et de gaz qui serait à l’origine du décès prématuré de près de 500.000 femmes et enfants sur le continent africain chaque année (presque autant que le nombre de victimes du paludisme).
Mais il a fallu attendre que le dérèglement climatique devienne enfin un sujet de préoccupation pour que la communauté internationale s’engage à prendre des mesures qui devraient, incidemment, s’avérer favorables à la santé et au travail des femmes…