Le dernier Festival de Cannes a, une nouvelle fois, illustré l’absence de parité dans l’industrie du cinéma. Pour rendre visible les inégalités persistantes et afin de mieux les combattre, le Collectif 50/50 travaille à une « boîte à outils ». Explications de Julien Goetz, administrateur du collectif et comédien.

Lors du Festival de Cannes, qui s’est déroulé du 13 au 24 mai, le Collectif 50/50 a annoncé la sortie prochaine d’une boîte à outils. De quoi s’agit-il ?
Julien Goetz – Cette boite à outils portera sur les films, et moins sur les productions audiovisuelles au sens large, et sera accessible sur le site internet du collectif, aussi bien pour les institutions, les journalistes que le grand public. Au-delà des études et des données que l’on produit régulièrement, le véritable avantage de cette boite à outils sera le moteur de recherche qui s’organise par film, conçu avec le collectif Data For Good qui mène un travail formidable tout en étant bénévole. Par film, on aura accès aux statistiques larges, comme la répartition femmes-hommes sur les chef.fe.s de poste ou dans le casting. On souhaite également produire une analyse des affiches et des teasers afin de déterminer la représentativité hommes-femmes ainsi que l’origine perçue ou non des personnages présents sur l’affiche et dans les teasers. On va également pouvoir jouer avec différents filtres. Par exemple, pour se renseigner sur l’évolution des cheffes décoratrices dans les longs métrages, on pourra se renseigner selon le genre de films, parce que ça peut varier en fonction du critère films d’action ou films de romance par exemple. Le budget des films est aussi un filtre important. Souvent les cheffes de poste disparaissent quand le budget devient important.
Notre but avec cette nouvelle boîte à outils, qui sera lancée au plus tard à la fin de l’année pour Les Assises organisées par le Collectif 50/50, c’est de produire des études et des chiffres qui rendent visibles les inégalités contre lesquelles il est nécessaire de lutter. Tant qu’on ne les a pas exposées, il est difficile d’en parler et d’agir. C’est pour ça qu’on parle de boîte à outils, en allant un peu plus loin que les études qu’on sort habituellement, qui sont ponctuelles, et en mettant à disposition un outil accessible en permanence.
Aujourd’hui on parle davantage de diversité et d’inclusion dans la production cinématographique, notamment grâce au travail mené par les associations engagées pour l’égalité. Après cette édition du Festival de Cannes, quel est votre regard sur cette évolution ?
JG – La Sélection officielle de cette année n’a pas du tout respecté la parité. Il faudrait prendre davantage de recul sur les années précédentes, mais on est sur une stagnation, voire sur une régression. C’est l’autre volet de notre boîte à outils : déterminer si les festivals respectent ou non la parité et une politique d’inclusion. Sur notre site, on pourra consulter des fiches sur les grands festivals liés au cinéma. On souhaite produire des chiffres sur l’analyse de la sélection et celles des années précédentes ainsi que l’analyse des prix décernés. L’enseignement à tirer du Festival de Cannes de cette année c’est : tant que la parité est respectée au niveau de la sélection, les prix décernés le seront également. C’est flagrant : la Semaine de la Critique avait une sélection paritaire et 58 % des récompensé.e.s sont des femmes. À l’inverse, la Sélection officielle n’a pas du tout respecté la parité avec 75% de réalisateurs et 25% de réalisatrices sélectionné.e.s. Résultat : 94 % des lauréat·e·s des prix non genrés de la Compétition sont des hommes. En terme d’égalité femmes-hommes, on y est pas du tout. Il n’y aura pas de miracles. Si les femmes ne sont pas en sélection, il y en aura forcément moins parmi les films récompensés.
Le Collectif 50/50 a participé à la montée des marches aux côtés d’une vingtaine d’associations féministes et de la ministre de l’Égalité Aurore Bergé et du député Erwan Balanant rapporteur de la commission d’enquête sur les violences dans la culture. Quelles étaient vos revendications ?
JG – Plusieurs membres du collectif 50/50 étaient présentes lors de cette montée collective des marches, à l’initiative de l’association Pour les Femmes Dans les Médias. Nous avons également co-signé une tribune qui a été publiée dans Marie Claire lors de l’ouverture du festival. Cette prise de parole visait à rappeler la nécessité de notre lutte et la nécessaire prise de conscience du monde du cinéma. Malgré le retour en arrière de cette édition et la menace de backlash, les associations ne lâchent rien et montrent que le combat pour l’égalité, la parité et la diversité continue. On aimerait que cette boite à outils puisse permettre aux institutions de regarder ce qui est produit, comment et par qui, et que ça ait vocation à insuffler une prise de conscience, y compris dans les circuits institutionnels. Malgré le côté strass et paillettes du festival, on oublie pas que le cinéma est un vecteur de récit, c’est une image du monde qu’on porte. En tant qu’artisans du cinéma, il faut que l’on garde ça en tête et qu’on fabrique des œuvres qui défendent ces valeurs. C’était aussi une manière de réaffirmer que le cinéma s’adresse au plus grand nombre et qu’il est riche de sa diversité.
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