« Place aux enfants » était le thème de la première journée de l’Université d’été du Medef. Dans un cadre presque bucolique, les patrons en sont venus à envisager la « décroissance prospère » et un capitalisme éthique… Preuve que le patronat se féminise un peu à sa tête et dans les têtes. Reste à passer aux actes.
Certes, des applaudissements soulagés ont accompagné l’annonce du retour de la croissance par Christine Lagarde, ministre des Finances. Mais à l’université d’été du Medef planait comme une remise en cause de vieilles certitudes. La première journée était consacrée aux enfants, à leur avenir. Et une invitée de choc pour mettre les patrons dans l’ambiance : la juriste anglaise Cherie Blair. Pour ouvrir la manifestation le 2 septembre, elle n’a pas hésité à marteler que les entreprises peu soucieuses du bien-être des salariés parents prennent le risque d’être moins performantes. Et la performance de l’entreprise, aujourd’hui, ne se résume plus à la dernière ligne de son bilan.
Décroissance
« A la recherche des temps nouveaux » selon l’intitulé proustien de la manifestation patronale, les quelques 6000 patrons présents sur le campus d’HEC, pensent éthique, déjeunent bio, pratiquent le covoiturage ou le green cabs (taxis hybrides), le programme des débats – sur papier recyclé – est décoré de feuilles, fleurs ou papillons et un coin réservé à des masseurs et ostéopathes invite à « ré harmoniser » son organisme. Les patrons déclinent leurs conférences comme on effeuille la marguerite : « un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout » pour un thème sur « l’entreprise et nos enfants » et réfléchissent ensemble au sort « de la tulipe au gaz carbonique ». Bref, l’ambiance jeté de pull sur les épaules et grandes enjambées pressées n’est pas de mise. Il est même question d’envisager la « décroissance », scénario plutôt inquiétant pour des entreprises dont la prospérité repose sur l’extension de la consommation.
Cosmétique patronale ? Le sujet de la décroissance est très sérieux. Il est porté non seulement par des adversaires traditionnels du Medef avec lesquels le syndicat patronal accepte de confronter ses idées, mais aussi par de purs patrons convertis. A la table du débat se trouvent aussi bien le député vert Yves Cochet ou l’agriculteur Pierre Rabhi que le directeur de la gestion financière de la banque néerlandaise Robeco, Hugues Rialan. Un banquier un peu particulier puisqu’il en appelle à la « décroissance prospère » qui consiste à consommer moins et mieux tout en limitant la croissance démographique… Tout un programme en décalage complet avec les recettes actuelles du business.
Le doute s’installe
Plus tard, dans une table ronde intitulée « le capitalisme sera éthique ou ne sera pas », les intervenants portent de nouveaux coups aux discours « gagner plus » sur lesquels devisait autrefois l’université d’été du Medef. Pierre Bellon, fondateur et président de Sodexo, en appelle à la responsabilité des chefs d’entreprise et plaide pour qu’ils cessent de faire n’importe quoi pour maximiser leurs profits.
Paroles ou changement de culture ? Demain, quand les étudiants d’HEC viendront user leurs fonds de culottes sur ces bancs prêtés aux patrons, que leur apprendra-t-on ? Les professeurs de marketing leur enseigneront-ils toujours l’art de « créer des besoins » pour vendre plus ? L’éthique sera-t-elle juste un concept marketing de plus ? Pour l’instant, la croissance économique reste la préoccupation numéro 1 des décideurs mais le doute s’est installé.