Prendre en compte le bien-être pour guider les politiques publiques ? Avec le rapport Stiglitz-Sen, remis il y a un an à Nicolas Sarkozy, les Français avaient tiré les premiers. Mais les Anglais veulent agir plus vite en utilisant, dès l’an prochain, de nouveaux indicateurs.
Selon le quotidien britannique « The Guardian », la responsable de la statistique britannique, Jill Matheson (photo), va être amenée à mettre en oeuvre la mesure du bien-être outre-Manche. Elle devrait être officiellement chargée, le 25 novembre, d’élaborer des questions qui seront posées dès 2011 dans le cadre de la traditionnelle enquête de l’institut statistique britannique auprès des ménages. Une tâche dont se réjouit Jill Matheson, qui constate : « Il y a une reconnaissance grandissante dans le monde que, pour mesurer le bien-être et le progrès national, il faille développer un regard plus compréhensif, plutôt que se concentrer simplement sur le produit intérieur brut (PIB) ».
C’est le rapport Stiglitz-Sen, remis l’an dernier à Nicolas Sarkozy, qui a inspiré la décision du gouvernement britannique. Ce rapport invite à dépasser la mesure actuelle de la santé économique, traduite par le PIB, en insistant notamment sur le fait « qu’il est temps que notre système statistique mette davantage l’accent sur la mesure du bien-être de la population que sur celle de la production économique. »
Le premier ministre David Cameron avait lui-même fait part depuis plusieurs années de son adhésion à ce point de vue. En 2006, avant de prendre la tête du parti conservateur, il jugeait que la mesure du bien-être était « l’un des sujets politiques majeurs de notre époque ».
Donner du sens
Reste que la mise en oeuvre de cette nouvelle approche statistique n’est pas une mince affaire. Le rapport Stiglitz-Sen insiste sur le caractère pluridimensionnel – matériel, social, environnemental… – du bien-être (1), et la nécessité d’une approche à la fois objective et subjective. Une double approche reprise par le gouvernement britannique, comme le confirme une source gouvernementale citée par le Guardian : il s’agit de déterminer « des mesures objectives, telles que, par exemple, les taux de recyclage dans le pays, tout autant que des mesures plus subjectives portant sur la psychologie et les attitudes ».
Pour le moment, rapporte le Guardian, la fréquence de publication des résultats reste à déterminer. Et les vues divergent au sein du gouvernement sur la façon dont les nouveaux indicateurs doivent être combinés et présentés.
Reste aussi, last but not least, à ce que ces mesures deviennent un instrument efficace. Au Canada, la mesure du bien-être est d’ores et déjà développée dans les statistiques. « Mais les données n’ont, jusque là, pas été l’objet d’une grande attention politique », témoigne un responsable des statistiques canadiennes. Pour John Helliwell, la Grande-Bretagne ferait office de pionnière en ne se contentant pas de collecter ces nouvelles données, « mais en leur donnant aussi une place centrale dans le choix et l’évaluation des politiques publiques ».
Pour aller plus loin :
Dépasser le PIB. Notre dossier sur les indicateurs de richesse. |
(1) Des dimensions que le rapport énumère ainsi :
a – les conditions de vie matérielles (revenu, consommation et richesse) ;
b – la santé ;
c – l’éducation ;
d – les activités personnelles, dont le travail ;
e – la participation à la vie politique et la gouvernance ;
f – les liens et rapports sociaux ;
g – l’environnement (état présent et à venir) ;
h – l’insécurité, tant économique que physique.