Cet été, les femmes de chambre d’un hôtel de luxe à Marseille ont fait grève pendant plus de deux mois. Ces travailleuses déterminées ont réclamé une amélioration de leurs conditions de travail. Si elles ont eu gain de cause, la profession reste précaire.

Elles ont tenu 69 jours. Depuis le 24 mai et jusqu’au 30 juillet, une vingtaine de femmes de chambre du groupe de nettoyage hôtelier Acqua ont brandit pancartes, slogans et casseroles devant l’hôtel quatre étoiles Radisson Blu, situé sur le Vieux Port à Marseille, dont elles sont prestataires. Leurs revendications ? Une augmentation des salaires, une prime ponctuelle de 250 euros et un treizième mois. Jusqu’alors, ces travailleuses étaient soumises à des contrats de cinq ou six heures par jour, des horaires à rallonge et une clause de mobilité qui les envoyait, souvent au dernier moment, faire les chambres d’autres hôtels gérés par le groupe Acqua. Le tout pour 1.000 à 1.200 euros par mois.
Faire grève pour des meilleures conditions de travail
Leur mobilisation a fait beaucoup de bruit. Pour les soutenir, le syndicat CNT-SO (Confédération nationale des travailleurs-Solidarité ouvrière) a mis en place une caisse de grève et a récolté 14.700 euros, permettant ainsi aux grévistes de mener leur lutte sans perdre d’argent. Résultat : le 30 juillet, elles ont réussi à faire plier leur employeur et un protocole d’accord, qui répond en partie à leurs revendications, a été signé. Désormais, le groupe Acqua est contraint par une limitation de la clause de mobilité et ne pourra pas obliger ses employées à se déplacer plus de trois fois par mois maximum. À cela s’ajoute une augmentation de 11 centimes par heure à 12,33 € brut ainsi qu’une prime de 150 euros en 2024. Et d’ici 2027, un treizième mois leur sera progressivement octroyé à 100%.
Cependant, suite à leur mobilisation, quinze femmes de chambres du groupe Acqua ont été convoquées au commissariat de Noailles à Marseille. Le motif ? Des plaintes pour « dégradations » déposées courant juillet par la direction de l’hôtel Radisson Blu. « La direction de l’entreprise craignait une “contagion” si le combat des femmes de chambre allait au bout», déplore Julien Ollivier, secrétaire de la CNT-SO, auprès de Libération.
75,1 % des emplois précaires sont occupés par des femmes
Les femmes sont davantage touchées par la précarité sur le marché du travail. En France, sur les 4,9 millions d’emplois à temps partiels, 3,7 millions sont occupés par des femmes, soit 75,1%, selon une étude du Ministère chargé de l’Égalité. À cela s’ajoute le système de la sous-traitance, guidé par un principe de compétitivité, qui influe sur les salaires, les droits et la représentation syndicale des employé.e.s. D’ailleurs, la mobilisation des femmes de chambres du groupe Acqua est loin d’être la première en France. À Marseille, déjà, en 2023, les femmes de chambres de l’hôtel Marriott Vélodrome avait fait grève pendant six jours avant d’obtenir des contrats à temps plein. Ou encore, dix ans auparavant, en 2014, les femmes de chambre, embauchées par des sous-traitants et ensuite placées dans les hôtels du groupe Hyatt à Vendôme et Madeleine, protestaient pour une revalorisation de leur salaire.
« La sous-traitance, c’est de la maltraitance » déclarait Rachel Kéké, ex-députée LFI du Val de Marne, au micro de France Bleu début juin. Avant d’être députée, elle fut femme de chambre à l’hôtel Ibis Clichy-Batignolles à Paris et a participé aux 22 mois de grève, de 2019 à 2021. « Il s’agit d’une main-d’œuvre essentiellement féminine et racisée, systématiquement sous-payée, et assignée aux activités de nettoyage épuisantes et dévalorisées qui sont au cœur de l’hôtellerie. » Ces quelques lignes, extraites d’une tribune parue en 2019 dans Libération lors de la grève des femmes de chambre de l’hôtel Ibis des Batignolles à Paris, résonnent avec l’actualité des femmes de chambre employées par Acqua, en grande partie étrangères et titulaires d’une carte de séjour. Julien Ollivier de la CNT-SO soutient que « l’amélioration des conditions de travail et l’augmentation des salaires, ce n’est pas une maladie ni un virus, c’est une nécessité ! ».
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