Quelle place, et quels rôles, pour les filles et les garçons dans la littérature et les DVD pour les enfants ? Une analyse de l’Observatoire des inégalités et le témoignage d’une libraire.
Le jour-même où Le Figaro s’inquiète que la « théorie du genre » étende ses tentacules dans les écoles, l’Observatoire des inégalités publie une étude détaillée sur la place des filles et des garçons, et leur représentation, dans les films et les livres pour enfants.
Premier constat chiffré : sur 79 héros dans les livres de jeunesse (0-12 ans) étudiés, 38 % sont des héroïnes. « L’égalité n’est pas encore atteinte, mais le déséquilibre n’est pas aussi important qu’attendu. » Et tous ces personnages ne véhiculent pas forcément des stéréotypes sexués : « Franklin est aussi peureux, voire davantage, que Martine ou Caroline, qui sont loin d’être réduites à jouer à la maman et à faire la cuisine. » Globalement, « aucun rôle ne prédomine : si les garçons sont plus nombreux en héros anti-conformistes que les filles, ils ne sont pas tellement plus que les sorcières et les aventurières à disposer de pouvoirs ou à être transportés dans une aventure fantastique… »
Sous-représentation des filles « impressionnante » en BD
Changement de décor quand on entre dans le domaine des DVD. Les héroïnes se font plus discrètes : sur un total de 56 héros, les filles représentent 24 % des personnages principaux, contre 76 % de garçons. Et « les différences se renforcent encore » quand on observe les attributs des personnages. Les héros « garçons » ont des pouvoirs exceptionnels, sont aventuriers, alors qu’aucune héroïne de DVD n’est dotée de super pouvoirs.
Et c’est la bande dessinée qui décroche la palme de la sous-représentation des filles, « impressionnante » (elles ne sont que 10%), « même si l’on peut noter qu’aucune héroïne n’est réellement cantonnée à un univers domestique et/ou maternel. La bande-dessinée s’illustre comme le lieu d’actions propres aux garçons : faire le rigolo et courir l’aventure, attitudes auxquelles la BD ne laisse pas aux filles la possibilité de s’identifier. »
Des niches en librairie
La veille, le blog Cultures G publiait le récit d’une libraire jeunesse sur l’édition genrée. Elle observe, désolée, que « la proportion d’ouvrages sexués ne cesse de croître ». La différenciation sexuelle se fait dès l’âge de 1 an, avec des petits livres spécifiques pour garçons, d’autres pour filles et déjà bourrés de stéréotypes.
Cette spécialisation n’est pas un hasard : les éditeurs « constituent délibérément des niches pour les enfants », ce qui « multiplie les parts de marché », analyse la libraire. Qui conclut par un constat (à moitié) positif : elle observe que, de plus en plus, les filles sont attirées indistinctement par des livres estampillés « pour filles » ou « pour garçons ». Et les parents laissent faire. Pour les garçons, en revanche, la barrière des genres semble plus solide. C’est déjà ce que remarquait une récente étude consacrée aux comportements sur internet : « une fille pourra se vanter d’avoir regardé un programme destiné aux garçons alors que le contraire ne se fait pas. »
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