Surmédiatisés, les livres de Louis Sarkozy, Nicolas Bedos ou Thierry Ardisson font un flop en librairie. Mais leur discours s’impose dans les médias et rend les féministes inaudibles.

Nicolas Bedos, Louis Sarkozy et Thierry Ardisson ont en commun d’avoir sorti un livre le 7 mai 2025. Autre point commun : les ventes de leur livre n’ont jamais décollé, et ce, malgré des campagnes de promotion démesurées dans les médias.
Un article du journal Le Parisien révèle les ventes décevantes de ces trois ouvrages. 1 143 exemplaires vendus pour L’Homme en noir de Thierry Ardisson, 2 144 pour La Soif de honte de Nicolas Bedos, et 2 131 pour Napoléon Bonaparte : L’Empire des livres de Louis Sarkozy. « On peut parler d’un crash industriel », commente un professionnel du monde de l’édition au Parisien.
Des hommes hyper médiatisés…
Ils étaient partout. Dans l’émission Quelle époque ! de Léa Salamé sur France.tv, où Louis Sarkozy et Nicolas Bedos sont venus parler de leur livre. L’avocate de ce dernier s’était déjà rendu, quelques mois auparavant, sur le plateau de C à vous! sur France5, émission qui a également reçu Thierry Ardisson. Louis Sarkozy a été convié sur les ondes d’Europe 1 et a pu s’exprimer dans les colonnes du Figaro. Libération lui a consacré un portrait. Et ce ne sont que quelques exemples.
« Quand on voit l’exposition et la promotion dont ces trois livres ont bénéficié, ces chiffres de ventes sont vraiment décevants », analyse le même professionnel du monde de l’édition. Pourtant, les grands médias qui ont assuré leur promotion ont présenté leurs ouvrages comme des parutions événements.
…qui banalisent la domination masculine
En les mettant à l’honneur, les médias ont, encore une fois, amplifié la voix de trois personnalités qui alimentent la domination masculine. Nicolas Bedos a été condamné pour violences sexuelles en octobre 2024 et, grâce à la télévision, il a pu réciter le classique discours de d’homme à la carrière brisé. (Lire : Nicolas Bedos : les médias étanchent sa soif de honte… sans faire avancer la lutte contre les violences sexuelles)
Louis Sarkozy a pour sa part pu se présenter comme l’héritier de son père et chaque interview a rapidement dérivé sur ses positions politiques, ses ambitions et sa famille. Il déclare toutefois : « Pour l’instant, je ne suis candidat nulle part. Je veux juste vendre le plus de livres possible », sur RMC. Flop ! Mais sur les réseaux sociaux, les extraits tirés de ses interviews font le buzz et augmentant davantage la visibilité donnée aux propos de Louis Sarkozy.
Quant à Thierry Ardisson, les archives de ses émissions, diffusées quand il fait la promotion de son livre, ne cessent de rappeler l’atmosphère sexiste qui régnait à la télé il y a encore de ça quelques années. Une floppée de déclarations sexistes et attitudes misogynes qui fait encore rire ou suscite des réactions faussement choquées sur le petit écran aujourd’hui. Thierry Ardisson désapprouve d’ailleurs Laurent Baffie qui a timidement exprimé des regrets. (Lire : « On était plus sexiste, et machiste, et con » : la timide épiphanie de Laurent Baffie)
… et ne parlent que d’eux-mêmes
Pourquoi ces livres se vendent-ils si mal malgré la couverture médiatique dont ils bénéficient ? Ils n’apprenent rien mais flattent le nombrilisme de leurs auteurs et répondent à l’appétit de clash des médias. Un éditeur, interrogé par Le Parisien, estime que « ce sont trois auteurs très clivants pour différentes raisons, ce qui peut expliquer ces mauvaises ventes. Le livre d’Ardisson est assez mégalo, paraît-il, celui de Louis Sarkozy pas très bon et opportuniste. Quant à celui de Nicolas Bedos, il a été condamné pour violences sexuelles et c’est impensable pour de nombreuses personnes de lui faire gagner de l’argent… ». Le lanceur d’alerte pour #MeTooGarçons Stéphane Gaillard estime, dans un article de Libération, que le livre de Nicolas Bedos est « un ouvrage déguisé en confession, mais animé, dans ses veines les plus profondes, par une stratégie de reconquête. Un texte qui ne cherche pas à comprendre ses fautes, mais à reconfigurer son image. La honte devient un outil, un parfum vaguement noble, quand elle devrait être une épreuve silencieuse et transformante. »
Si Le Parisien expose le décalage entre la médiatisation de ces trois livres et la réalité des ventes, l’article révèle, à l’inverse, le succès rencontré par Intérieur nuit, le livre de Nicolas Demorand, présentateur de la matinale de France Inter, qui se livre sur sa bipolarité. Il a eu beaucoup de succès dans les médias et un fort succès en librairie. Mais il a du fond. Le livre cumule pas moins de 89 000 ventes (après avoir été tiré à 100 000 exemplaires).
Et des féministes invisibles dans les médias… qui vendent des livres
En revanche, la médiatisation des livres féministes est toujours bien moindre. À l’exception de quelques livres qui relatent des accusations contre des hommes célèbres, comme Le Consentement de Vanessa Springora vendu à 381.400 exemplaires depuis sa sortie en 2020, les voix féministes sont bien moins audibles. La complainte des hommes bénéficiant d’un tribunal médiatique qui penche largement en leur faveur, occupe tout l’espace.
Et pourtant, ces livres plus discrets se vendent bien mieux que les exercices narcissiques masculins. Le livre Respect de la comédienne Anouk Grinberg, lève le voile sur les agressions subies lorsqu’elle était enfant et dénonce la prédation dans le milieu du cinéma, s’est écoulé à 11.000 exemplaires. Dix fois plus alors qu’elle n’a pas eu le dixième de la couverture médiatique des trois hommes cités.
Qui parle dans les médias ? Qui est invisible ? Pour façonner quels stéréotypes ? Quelle opinion ? Nous vous recommandons toujours la lecture de Journalisme de combat pour l’égalité des sexes. La plume dans la plaie du sexisme, d’Isabelle Germain, fondatrice et rédactrice en cheffe des Nouvelles News, édité par LNN édition.
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