Comment faire en sorte qu’une séparation n’accentue pas les déséquilibres père/mère ? Le Centre d’analyse stratégique propose notamment de revoir le système d’allocations.
Dans son récent travail, consacré à l’accompagnement de la parentalité, le Centre d’analyse stratégique (CAS) se montrait oublieux de l’implication des pères. Changement de regard, dans un nouveau rapport publié mardi 16 octobre et consacré précisément à la paternité, dans le contexte de la désunion du couple.
« Dans l’intérêt de l’enfant et pour l’égalité hommes-femmes, favoriser l’implication précoce des pères est une priorité », souligne le CAS dans cette note d’analyse intitulée « Désunion et paternité ». Avec l’arrivée d’un enfant, « le travail parental n’est pas paritaire. Globalement, les femmes continuent de porter la charge des ajustements entre vie familiale et emploi » …. et le divorce ou la séparation cristallise cette inégalité. La séparation, écrit le CAS, agit « comme un brusque révélateur des ‘coûts cachés’ supportés par chacun : à l’infériorité économique et professionnelle des mères correspond une certaine vulnérabilité de la relation père-enfant. »
Valoriser les hommes en tant que « pourvoyeurs de soins »
La problématique est donc la suivante : en cas de séparation, « comment favoriser une paternité impliquée à partir d’une inégale distribution des rôles parentaux ? Comment le faire dans l’intérêt de l’enfant et sans préjudice pour les mères ? » Les propositions du CAS pour un « rééquilibrage des droits et des devoirs entre les pères et les mères » sont multiples.
Le rapport revient d’abord sur la nécessité de mieux impliquer les pères dès la naissance de l’enfant en menant des actions de valorisation des hommes en tant que pères ou « pourvoyeurs de soins ». Il y a là un travail de société à mener. Le CAS en profite pour relancer l’idée d’un objectif de mixité dans les métiers de la petite enfance. C’est aussi l’occasion de rappeler l’intérêt d’un congé parental plus court et mieux indemnisé. Et la nécessité de multiplier les pratiques en entreprise, en particulier à l’égard des pères, pour mieux concilier vie professionnelle et vie familiale.
Prestation compensatoire : davantage de médiation, et ouverture aux non-mariés
En ce qui concerne l’exercice de la « coparentalité » après une séparation – le cœur du rapport – le CAS estime que « la résidence alternée strictement paritaire, n’est pas la seule solution », rappelant que la question divise les experts. Car derrière cette question il y a celle de l’argent. La « pension alimentaire », officiellement contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant (CEEE) motivait en 2010 près de la moitié des contentieux entre parents séparés. Le rapport insiste dès lors sur la nécessité d’ « élargir le recours à la médiation familiale ».
Le rapport note aussi que cette prestation compensatoire ne concerne que les divorcés, alors que désormais un enfant sur deux naît hors mariage. Pour en faire un instrument d’égalité, il préconise de réfléchir à l’ouverture d’une « compensation de parentalité », qui resterait limitée, aux concubins et pacsés. Ce qui permettrait aux mères de « bénéficier d’une ‘aide au redémarrage’ quand l’écart de situation le justifie et que son travail parental a induit une trajectoire professionnelle ‘diminuée’ ».
Partager les allocations
Autre question financière cruciale, la répartition des allocations familiales. En cas de séparation, seul l’un des deux parents peut être prestataire. Et c’est très souvent la mère. Comment aller vers plus d’équité ? C’est là la proposition la plus novatrice du CAS : « réformer la règle de l’unicité de l’allocataire et permettre la désignation de deux allocataires pour un même enfant ». Interrogée par Mediapart, la ministre de la Famille se dit « favorable à l’équivalence des prestations et donc un partage en deux des allocations, ou tout du moins à une compensation pour la personne qui ne touche pas les allocations familiales. » Pas évident pour autant à mettre en place dans un contexte de rigueur, observe le CAS. Car la mesure entraînerait un surcoût estimé entre 12 et 90 millions d’euros par an.
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