Réalisé et interprété par Paola Cortellesi, Il reste encore demain est un hymne à la liberté des femmes. Avec plus de 5 millions d’entrées à sa sortie en Italie, le film dénonce les violences machistes dans un pays gouverné par l’extrême droite.
Un phénomène de société
Film le plus populaire au box-office italien en 2023, Il reste encore demain s’est rapidement converti en un vrai phénomène de société. Il faut dire que pour la réalisation de son premier film, dans lequel elle interprète aussi avec brio le rôle principal, Paola Cortellesi frappe fort. Filmé en noir et blanc, Il reste encore demain raconte l’histoire de Delia, femme mariée et mère de trois enfants, qui vit à Rome sous l’emprise et les coups de son mari Ivano. Dans l’Italie post-fasciste de la seconde moitié des années 1940, cela n’a malheureusement rien de très surprenant. Les violences conjugales étaient monnaie courante et les femmes devaient obéissance à leur époux.
Si le thème des violences n’augure rien de très joyeux, Il reste encore demain n’en reste pas moins une comédie. Grâce à une curieuse et intelligente mise en scène, accompagnée d’une excellente bande originale (Lele & Daniele Marchitelli), Paola Cortellesi arrive à nous faire rire plus d’une fois. Elle va même jusqu’à transformer la noirceur de la thématique en un véritable message d’espoir pour toutes les femmes. C’est ainsi que malgré son quotidien ardu, Delia n’aura de cesse de se battre pour se construire un avenir meilleur.
Mais comment un film résolument féministe se déroulant dans les années 40, de surcroît en noir et blanc, a-t-il pu rencontrer un tel succès dans l’Italie conservatrice de Giorgia Meloni ? Peut-être justement parce que le film fait grandement et tristement écho à l’actualité…
Dans une interview du Lab Femmes de Cinéma, Paola Cortellesi explique qu’elle voulait traiter ce sujet « autour d’une histoire qui se déroule dans le passé, mais qui est malheureusement tellement d’actualité en Italie ». Depuis que l’extrême droite est au pouvoir, les féministes assistent impuissantes à des mesures politiques sexistes et rétrogrades, comme la diminution de 70% du financement de la prévention consacrée à la lutte contre les violences faites aux femmes.
« Il reste encore demain » au coeur de l’actualité
Puis, un événement vient bouleverser l’Italie, donnant au film encore plus de poids. Deux semaines après la sortie en salles de celui-ci, un énième féminicide bouleverse l’Italie. Le meurtre de la jeune Giulia Cecchettin par son petit ami et le traitement médiatique qui s’en est suivi ont enflammé le pays. Quand la soeur de la victime déclare « Ce n’est pas un monstre qui a tué ma sœur, mais un enfant saint du patriarcat », elle remet en cause les fondements patriarcaux et machistes de la société italienne et définit le féminicide comme «un meurtre d’État, car l’État ne nous protège pas». (Lire : APRÈS LE FÉMINICIDE DE GIULIA CECCHETTIN EN ITALIE, L’HEURE DE LA COLÈRE).
Et c’est justement cette société machiste qui est dénoncée dans Il reste encore demain. Car si les conditions de vie des femmes se sont améliorées, les mentalités n’ont pas complètement évolué. La cinéaste le rappelle « Un féminicide a lieu toutes les 72 heures en Italie. Une femme est tuée par son ex-mari ou par son ex-partenaire, qui n’accepte pas son indépendance ».
Bien que battue, exploitée, humiliée, Delia n’aura de cesse de lutter pour un monde meilleur, aussi bien pour elle et pour sa fille mais aussi pour toutes les femmes. Il reste encore demain est en cela un film optimiste, une leçon de courage et un hymne à la liberté de toutes les femmes.
Lire aussi : Recommandations pour un printemps du cinéma féministe
« Il reste encore demain » (C’è ancora domani) de Paola Cortellesi, (Italie, 1h58) avec Paola Cortellesi, Valerio Mastandrea et Romana Maggiora Vergano. Sorti en salles le 13 mars 2024.
Lire aussi dans Les Nouvelles News :
ITALIE : GIORGIA MELONI, CANDIDATE D’EXTRÊME DROITE, INSTRUMENTALISE UN VIOL
QUAND L’EXTRÊME DROITE INSTRUMENTALISE LES VIOLENCES SEXUELLES