La conférence de l’ONU « Rio+20 » s’ouvre dans moins de 100 jours. Ce sommet de la Terre sera une nouvelle occasion de remettre en question l’hégémonie du PIB. Mais de nombreuses voix craignent que le processus n’aille pas assez loin.
« Nous reconnaissons (…) les limites du PIB en tant qu’instrument de mesure du bien-être. Nous sommes d’accord pour développer et renforcer des indicateurs complémentaires au PIB qui intègrent des dimensions économiques, sociales et environnementales de manière équilibrée. »
C’est ce qui figure dans le paragraphe 111 du draft zero, le projet de déclaration à laquelle doit aboutir la Conférence de l’ONU « Rio+20 » sur le développement durable, dans moins de 100 jours, à Rio de Janeiro (Brésil).
Le compléter ou s’en débarrasser ?
L’occasion de relancer le débat sur la pertinence du sacro-saint PIB, étalon de la richesse et de la croissance (voir notre dossier). C’est justement au début des années 1990, à l’époque du premier sommet de la Terre de Rio (en 1992) qu’avait réémergé la contestation du PIB, remarque l’économiste Florence Jany-Catrice, membre du FAIR (Forum pour d’autres indicateurs de richesse). Raison de plus pour elle de déplorer, au vu de ce draft zero, une « forte régression par rapport aux espoirs d’il y a 20 ans ».
De nombreuses autres voix jugent la formulation de ce paragraphe 111 bien trop timide. Cité par le quotidien A Folha, le chercheur brésilien José Eli da Veiga, de l’Institut des Relations Internationales de l’Université de São Paulo, attend du sommet de Rio un engagement plus radical : « il ne faut pas compléter le PIB, il faut s’en débarrasser », lance-t-il.
En France, le collectif Rio+20, qui regroupe une cinquantaine d’organisations, juge lui aussi que le draft zero reste trop frileux sur plusieurs points, et notamment sur la remise en cause du PIB. Dans son analyse du document, le collectif écrit : « Nous y rejetons l’idée d’indicateurs « intégrant » les différentes dimensions économique, sociale et environnementale et préconisons plutôt la mise au point d’indicateurs distincts prenant en compte chacun de ces piliers de manière équilibrée ».
La voix de la société civile
En février, 20 lauréats du prix Blue Planet, une récompense environnementale internationale instaurée lors du premier sommet de Rio, en 1992, appelaient eux aussi à profiter de Rio+20 pour « remplacer le PIB ». Pour ces spécialistes, « la croissance économique incontrôlée est insoutenable sur une planète finie. » Ils citent l’exemple de l’Indonésie où « les politiques macro-économiques destinées à augmenter le PIB atteignent bien leurs objectifs économiques, mais sans nécessairement atteindre les objectifs de développement – la réduction de la pauvreté – ni les objectifs environnementaux – la préservation des ressources naturelles ». Quelques semaine plus tôt, c’est un groupe de travail des Nations Unies sur la « croissance durable » qui appelait la communauté internationale à « développer un nouvel indice ou de nouveaux indicateurs de développement durable ».
Autant de voix qui augurent d’un dialogue passionné au sommet de Rio… et après. Car que le PIB, à l’avenir, intègre ou laisse la place à d’autres indicateurs, la société civile entend quoi qu’il arrive revendiquer toute sa place dans le processus d’élaboration de nouvelles façons de mesurer la richesse. « Nous demandons que le processus de travail établi pour développer et renforcer les indicateurs par le Secrétaire général des Nations Unies puisse intégrer les contributions de tous les intervenants concernés de la société civile », insiste le Collectif Rio+20.
Le pays hôte de Rio+20 pourra-t-il être le principal soutien de cette démarche ? Le discours de la ministre brésilienne de l’Environnement, jeudi 15 mars au Forum mondial de l’eau à Marseille, peut le laisser espérer. De façon générale, Izabella Teixera met en avant « la nécessité absolue d’intégrer la société civile aux discussions. »
Photo : Rio de Janeiro © Tirafotos sur flickr