Le baromètre SISTA–BCG le confirme : les start-ups fondées par des femmes ne captent que 2% des fonds levés. Le collectif SISTA, qui fête ses cinq ans, appelle remettre en question le système qui tient les femmes à l’écart de l’entreprenariat.

L’ambiance était tonique le 9 décembre dernier au ministère des finances. SISTA fêtait sa cinquième année d’existence. Ce collectif de femmes entrepreneures, dirigeantes et investisseuses, bataille pour que les entreprises dirigées par les femmes soient financées comme celles dirigées par des hommes. On part de très loin et la route promet d’être longue !
Sur la scène, se sont succédé de brillantes plaidoiries -et de brillants simulacres de contre-plaidoiries- en faveur d’une économie réellement mixte pour arriver à cette conclusion proclamée par Tatiana Jama, cofondatrice du mouvement avec Valentine de Lasteyrie et Céline Lazorthes : « Ce ne sont pas les femmes qui doivent changer, c’est le système de financement des entreprises qui doit évoluer ! »
Mais avant, place aux chiffres : présentation du sixième baromètre SISTA – Boston Consulting Group (BCG) qui mesure le financement des start-up fondées ou cofondées par des femmes en Europe. Et la situation ne s’est pas franchement améliorée depuis cinq ans. « Seules 10 % des start-ups sont fondées par des équipes 100 % féminines et elles ne captent que 2 % des fonds levés» prévient d’emblée le baromètre. La situation s’est même parfois détériorée à cause de l’Intelligence artificielle, l’IA, qui amplifie les biais sexistes.
Plus de femmes, moins d’argent
Regardons d’abord les progrès : en 2019, 16 % des levées de fonds concernaient des entreprises comptant une femme parmi les fondateurs. En 2025, c’est une levée de fonds sur quatre. Mais ces équipes avec fondatrices ne captent que 11 % du total des montants levés.
Comme l’oxygène, les femmes se raréfient avec l’altitude : les entreprises dont l’équipe fondatrice est exclusivement féminine représentent 9 % des start-ups créées mais seulement 6 % des levées de fonds et 1% des montants levés. « Nous nous sommes engagés sur le nombre de femmes financées. Il est temps maintenant de s’engager sur les montants. » a promis l’équipe de SISTA.
Le baromètre illustre aussi le plafond de verre avec ce chiffre : « les équipes masculines lèvent 18,5 fois plus que les équipes féminines au bout de six ans. »
Autres petites améliorations en France : les équipes mixtes sont aussi de plus en plus souvent « paritaires : 68 % en 2025 (+ 18 points vs 2022). » Le montant moyen levé par les femmes est passé de 4,4 millions d’euros en 2022 à 5,4 en 2025…
Mais l’IA plombe l’ambiance. Dans ce secteur, les start-ups européennes sont deux fois plus nombreuses à lever des fonds lors de leur année de lancement et elles attirent des volumes importants d’investissements. « La part d’équipes exclusivement féminines parmi les fondateurs de start-ups européennes dédiées à l’IA est encore plus faible (6 %), pour uniquement 5 % des opérations de levées de fonds et moins d’1 % des volumes de financement. »
Des biais cognitifs à l’origine du monde des start-ups
Pourquoi les femmes obtiennent-elles si peu d’investissements ? Plusieurs façons de répondre à cette question. La première : Les femmes créent des entreprises plutôt dans le prêt-à-porter ou le bien-être et ont des comportements moins assurés que les hommes. La deuxième : les investisseurs privilégient des secteurs d’activités préemptés par des hommes sûrs d’eux. La troisième : un système économique et sociétal qui survalorise les activités préemptées par les hommes et méprise les activités assignées aux femmes.
Un système brillamment décrypté par les intervenants qui n’en finissaient pas de pointer les biais cognitifs, ces doubles standards de jugements qui nous font considérer que telle activité, telle attitude, tel comportement, telle intonation dans la voix n’est pas acceptable pour une femme alors qu’elle est valorisée chez un homme. Des biais qui poussent les femmes à l’autocensure entrepreneuriale. Des biais qui poussent les investisseurs à questionner les hommes porteurs de projets sur leurs succès à venir et les femmes sur leurs risques d’échec – avec les conséquences que l’on imagine sur les décisions d’investissement.
Quand l’IA recevra une éducation non sexiste…
Des biais qui sont amplifiés par l’IA… mais pourraient tout aussi bien être atténués si l’IA était bien éduquée « Il n’y a pas de fatalité. Une IA bien entrainée peut annuler vos biais… Il est essentiel d’entrainer l’esprit critique » a plaidé Valentine de Lasteyrie. Reste à trouver des investisseurs prêts à soutenir des coachs d’une IA non sexiste !
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Les causes du faible financement d’entreprises créées par des femmes ont été analysées à de multiples reprises. Lire par exemple :
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