En Australie, un musée a imaginé une pièce réservée aux femmes. Le but ? Dénoncer les discriminations de genre dans l’histoire du pays. Or, un visiteur – homme – s’en est offusqué et a porté plainte. La justice a tranché.
L’art peut-il justifier une discrimination ? Le musée d’Art ancien et nouveau (Mona) à Hobart, en Tasmanie (Australie), a conçu une salle dans laquelle seules les femmes peuvent pénétrer et admirer les quelques œuvres exposées. C’est l’artiste américaine Kirsha Kaechele qui est à l’origine de cette œuvre interactive, nommée le « Ladies Lounge ». Dans cette pièce, « aux murs drapés de longs rideaux de soie », le musée a entreposé ses œuvres les plus prestigieuses, certaines signées de Picasso et de Sidney Nolan, que les visiteuses peuvent admirer depuis « des espaces confortables tendus de velours », décrit l’artiste à ABC News. Pour une immersion totale dans l’univers du Ladies Lounge, des majordomes sont là pour servir celles qui ont pu y pénétrer et leur proposer, entre autres, du champagne. Un petit privilège réservé, pour une fois, aux femmes.
Toutefois, cette installation n’a pas plu à tous les visiteurs. Un certain Jason Lau, frustré de ne pas pouvoir accéder à cette fameuse salle, a porté plainte contre le Mona pour non-respect des lois en vigueur pour la lutte contre les discriminations.
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Discrimination artistique
Mais c’est justement tout l’intérêt de ce projet artistique, revendique Kirsha Kaechele : renverser les discriminations pour dénoncer celles subies par les femmes pendant des siècles. Pour rappel : jusqu’en 1965 en Australie, les bars refusent l’entrée aux femmes ou les cantonnent à des annexes où les prix sont exorbitants. Tout était fait pour les exclure de l’espace public.
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Ainsi, le Ladies Lounge offre un espace « où les femmes peuvent se retirer du monde, échapper au patriarcat, et apprécier la compagnie d’autres femmes ». Cette installation n’est pas nouvelle puisqu’elle date de 2020. Jusqu’à présent, personne ne s’était senti offensé et les visiteurs avaient plutôt considéré cela comme une invitation à réfléchir aux discriminations vécues par les femmes dans le pays. « Le rejet des hommes est un aspect artistique très important » précise l’artiste qui s’est, contre toute attente, enthousiasmée de la réaction de Jason Lau : « C’était un rêve devenu réalité que l’œuvre puisse quitter le musée et entrer dans le monde. Il était très intéressant de voir une œuvre d’art prendre vie dans une salle d’audience. » révèle-t-elle à The Guardian.
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Quel avenir pour le Ladies Lounge ?
Le 8 avril, la justice tasmanienne a rendu son verdict : le Mona doit autoriser tous les visiteurs à pénétrer dans le Ladies Lounge. Richard Grueber, vice-président du Tribunal civil et administratif de Tasmanie, chargé de l’affaire, considère que « empêcher les hommes d’accéder à l’art disposé dans l’espace du Ladies Lounge, qui est la plainte principale de Mr Lau, ne favorise pas les opportunités pour les femmes artistes d’exposer leurs œuvres », explique-t-il à The Guardian. Kirsha Kaechele déplore cette décision et estime que les femmes devraient « obtenir des privilèges exclusifs pour les trois cents prochaines années », afin de compenser les injustices vécues pendant des siècles.
Le musée a 28 jours pour exécuter la décision du tribunal. Mais c’est tout vu pour le Mona qui « préfère mettre fin à l’installation plutôt que de laisser les hommes y participer ».
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