Une « culture du secret et du mensonge ». Un nouveau rapport souligne la gravité des violences sexistes et sexuelles dans le sport et l’insuffisante réaction des pouvoirs publics.
Le bruit médiatique autour du salaire d’Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l’Éducation nationale et des Sports, lorsqu’elle était présidente de la fédération française de tennis, a presque occulté le scandale des violences sexistes et sexuelles dans le sport.
C’était pourtant le sujet principal dénoncé par un rapport parlementaire, rendu public mardi 23 janvier. Un rapport mené par la commission d’enquête « relative à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif en tant qu’elles ont délégation de service public.»
Jeux de pouvoir et d’argent construisant l’omerta
Les « défaillances systémiques » et « une culture du secret et du mensonge » sont pourtant au centre du travail de la commission qui décortique aussi les jeux de pouvoir et d’argent rendant possible « l’omerta à tous les étages ».
Pour rédiger ce lourd document la commission parlementaire pilotée par Sabrina Sebaihi, députée (EELV-NUPES) des Hauts-de-Seine, a mené 190 auditions d’acteurs du mouvement sportif et de victimes de violences sexistes et sexuelles, de discriminations raciales et homophobes.
De nombreux témoignages de victimes de violences sexistes et sexuelles, très souvent mineures au moment des faits, racontent des amnésies traumatiques à la suite de violences sexuelles répétées. Et des témoignages réflexions déculpabilisant les auteurs de violences émaillent le document. Certains sont par exemple persuadées que toutes les patineuses sont amoureuses de leur entraîneur…
Inertie de l’Etat dénoncée
Le rapport déplore la réaction tardive et toujours insuffisante des pouvoir publics pour endiguer ce fléau. Il a fallu attendre 2007 pour que, en réaction à la médiatisation du témoignage d’Isabelle Demongeot, ancienne numéro deux du tennis français, Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, se saisisse du sujet pour la première fois. Une première campagne de lutte contre le harcèlement et les violences sexuelles était alors lancée.
Depuis, d’autres initiatives ont été prises par les pouvoirs publics mais toujours jugées insuffisantes. La plateforme Signal-Sports a été lancée par le ministère des Sports en 2020. Mais le rapport parlementaire déplore que cet outil soit «invisibilisé», «sous-dimensionné» et «très largement méconnu». Il note que « Le 2 novembre 2023, quatre ans après sa création (…) Signal-sports, a traité plus de 1.800 signalements, qui mettaient en cause plus de 1.200 personnes. » Et souligne que « 78 % des victimes étaient mineures au moment des faits. ».
Autorité indépendante et parité
Mais il faut aller plus loin pour en finir avec «un système qui a protégé des agresseurs et sanctionné des victimes et ceux qui cherchaient à les protéger.» La commission émet 62 recommandations… La principale étant de créer « une autorité administrative indépendante, extérieure au mouvement sportif, chargée de l’éthique et de l’intégrité du sport ». Cette instance devrait être « dotée d’une capacité de sanction financière. » pour garantir la « protection de l’intégrité physique et morale de millions de personnes qui pratiquent le sport au quotidien».
Le rapport préconise aussi l’inscription dans la loi d’une obligation de parité réelle dans tous les organes de direction du mouvement sportif, l’imprescriptibilité des violences sexuelles sur mineur.es, le renforcement des moyens alloués à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, la conduite d’une enquête de fond dans l’ensemble des fédérations, ou encore le développement du contrôle d’honorabilité…
La première réaction de la ministre en charge des Sports qui a dénoncé un rapport « militant » et des travaux « instrumentalisés à des fins politiques » ne laisse pas augurer une mise en place rapide de ces préconisations…
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